1891 : Polémique sur le centenaire de la guillotine
En 1891, la bataille fait rage entre rouges et blancs au sujet de la commémoration de la Révolution et l’usage de la guillotine. Un petit opuscule paraît en breton sous le titre Ar c’hilhotin e Brest e-pad ar Spont bras(La guillotine à Brest sous la Terreur). Dans un journal républicain, on peut lire à l’époque : ar roialisted a zo treitourien e pep giz. D’ar mare-se pa vijent tapet e vezent gilhotinet. Meritet mat o doa. (Les royalistes étaient des traîtres. Quant ils étaient attrapés, on les guillotinait. Ils l’avaient bien mérité). Ces propos ne pouvaient qu’attirer une cinglante réponse des royalistes encore très influents à l’époque, d’où cet opuscule qui rappelle les excès de la Terreur en Bretagne. Ainsi la guillotine fut transportée au milieu de la rade de BrestDouget ha savet a oa ar c’hilhotin er rad war ur pont-koad hag a oa war flod. Dibennet oa ur martolod dirak an holl vartoloded all dastumet holl tro-war-dro d’ar pont evit bezañ test eus ar vuntrerezh-se (La guillotine fut transportée et levée sur un pont de bois flottant au milieu de la rade. On coupa la tête d’un matelot devant tous ses semblables rassemblés sur les bateaux groupés autour du pont afin qu’ils soient témoins du meurtre).
Le bourreau (ar gilhotiner) est décrit comme une brute ignare. Un den disakret, un ampreval heugus, heñveloc’h ouzh un aneval ferv eget ouzh un den, e zeskadurezh a oa dister : ken azen oa hag an diwezhañ paotr-saout diwar ar maez (Un homme sans foi, un personnage dégooûtant, il ressemblait à un animal féroce, sans instruction : aussi âne que le dernier vacher de campagne.)
Son exploit principal fut de décapiter les 26 administrateurs du Finistère : evit diskouez pegen didruez ha pegen digoustiañz oa war e vicher : ar pennoù dre ma vezent troc’het ha veze lakaet gantañ diouzh renk a hini da hini, war ar chafot (pour montrer sa cruauté, il prenait une à une les têtes coupées pour les aligner au bord de l’échafaud).
La guillotine alimenta les complaintes bretonnes dès 1793, on l’appellelait ar falc’h muntrerez (la faux meurtrière) ou encoreinstrumant ar marv(L’instrument de la mort) ou tout simplement par le nom de celui qui eut l’idée de l’introduire en France.
Joseph Guillotin s’inspira en effet du modèle écossais Scottish maiden (la jeune fille écossaise), on peut donc tristement dire que c’est une invention celtique !
Pennad orin / Texte original
D’ar 27, e voe dibennet eur vaouez hanvet Franseza-Perounel Boèhhen, 50
vloaz, ganet e Kombrit ; antronoz, eur vaouez all adarre, ann dimezell Anna
Pichot Kerdizien, 30 vloaz, ganet e Brest : houman a ioa o choum e Kimerc'h,
e ti he eontr, bet inspektour e koad ar C’hrannou : "Maouez devot
ha karantezuz, a lavar ann hini a skriv he histor, hi oa providans ar fagode-
rien a veve enn dro d’ezhi. »
Ar c’hillotin ne chomme ket ato er memez leac’h : d’ar 14 a viz ebrel e
voe kaset da Lesneven evit trouc’ha ho fennou da zaou velek, ann Aotrou-
nez Iann-Mari Habask ha Gwillou Petoun, kavet ha tapet e Kerlouan.
D’ar 16 e voe dibennet eur belek all, ann Ao. Iann-Mari Brannellek,
ganet e Gwiseni, persoun koz ar Minihi e Kastel-Paol.
Dar 17 e voe gillotinet eur soudard kanolier, Iann-Per-Hippolit, barnet
d’ar maro, var zigarez n'en doa roget eur pez arc’hant-paper ha lavaret kom-
ziou direiz !
Troidigezh / Traduction
Le 27, une femme de 50 ans, Franseza-Péronelle Boelhen, née à Combrit fut décapitée. Le lendemain une autre demoiselle Anna Pichot Kerdizien, 30 ans née à Brest : elle habitait chez son oncle à Quimerc'h. Celui-ci était inspecteur des forêts au bois du Cranou : "C'était une femme pieuse et généreuse, elle était la providance des fagotiers qui habitaient près de chez elle".
La guillotine ne restait pas toujours dans le même lieu : le 14 avril elle fut amenée à Lesneven pour couper la tête de deux prêtres de Kerlouan : messieurs Jean-Marie Habask et Guillaume Petton. Le 15 un autre prêtre originaire de Guisséni fut décapité, il était l'ancien recteur de St Pol de Léon. Le 17 on guillotina un soldat canonnier, Jean-Pierre Hippolite, condamné à mort pour avoir déchiré un assignat et proféré des paroles inappropriées.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Ar c'hillotin e Brest epad ar Spount Braz, Brest 1891.
Perennès (Henri), Poésies et chansons populaires bretonnes sur les affaires politiques et religieuses de la Révolution, in Annales de Bretagne, 1936-37, pp 210-239
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k115337d/f238.image.r=c'hillotin