1820 : Les cannibales du Brésil, morceau de choix des « Conferansoù Curius » d’Alexandre Ledan.
Curieux livre que ces conferansoù qui se piquent d’éduquer le peuple bretonnant sur les curiosités du monde. L’évocation des anthropophages d’Afrique et d’Amazonie font partie des morceaux particulièrement gratinés !
Bale a reont en noaz, ha ne vailhuront morse o bugale, ar pezh a ra ma’zint nerzhus ha formet mat, ken a redont buanoc’h eget den, pa vezent rentet en un oad avañsetoc’h. (Ils vivent nus, et ils n’emmaillottent jamais leurs enfants, ce qui fait qu’ils sont bien formés et vivaces. Quand ils sont plus vieux ils courrent plus vite que personne).
P’o devez grêt ur prisonnier, mar deo lard, e vez debret raktal ; mes mar deo treut, e roer dezhañ ur plac’h d’e zervicha, evit bezañ e vestrez hag e larda. Pa vez erruet an devezh d’en lazhañ ha d’en debriñ, an holl a zo pedet eus ar fest. ( Quand ils ont fait un prisonnier, s’il est gros, ils le mangent tout de suite, s’il est maigre, on charge une jeune fille de l’engraisser. Quand le temps est venu de le manger, on invite tout le monde à la fête).
Le condamné est invité à raconter ses exploits : E lec’h bezañ trist e kont gant un aer joaius, ar pezh en deus graet a vaillantizoù hac e lavar dezho pere eus o zud, pe o zad, pe o mamm o deus bet rostet ha debret. ( Au lieu d’être triste, il raconte ses exploits : lui aussi a rôti et mangé certains des ancêtres, pères ou mères de ceux qui sont là).
Tout ça se déroule dans un climat culturel fort aimable et arrive le moment crucial : Goude pera e vez lazhet, gwalc’het, rostet, ha neuze debret, oc’h en em exortiñ an eil egile da vezañ kourajus er brezel, evit gallout ober pourvisionoù mad a gig tud evit o fest. (Après cela, il est tué, lavé, rôti et mangé, ils s’encouragent les uns les autres à être courageux à la guerre, pour rapporter de nouveau de la viande humaine pour faire la fête !
Et si le condamné a quelques biens -nous précise l’auteur-, ceux-ci suivent son sort Mar en deus an hini maro ur morian, e lazer anezañ evit mont d’e servicha er bed all : enteriñ a reer ivez gantañ e veublou hac e gi. (Si le mort a un serviteur, on le tue pour aller le servir dans l’au delà. On enterre aussi les meubles et le chien).
Et pour adoucir ces moeurs d’un autre âge ils croient à l’immortalité de l’âme : krediñ a reont ivez en ur vuhez hep fin eus an ene.
Alexandre Ledan avait compris comment appâter le lecteur. Il fut l’un des grands créateurs de gwerzioù du XIXème siècle.
Pennad orin / Texte original
G. Comzit dìn bremâ eus a bobliou ar Bresil, en Ameriq.
R. P’o devez grêt ur prisonnier, mar deo lard, e vez dêbret ractal ; mes mar deo treud, e roer dezàn ur plac’h d’e zervicha, evit beza e vestrez hac e larda. Pa vez êruet an devez d’en laza ha d’en dêbri, an oll a so pedet eus ar fest. En em divertissa a rear, en eur eva ha dançal ; ar prisonnier memes a so deus an ebat ; hac e lec’h beza trist, e cont, gant un ear joaüs, ar pez en deus grêt a vaillantisou, hac e lavar dezo pere eus o zud, pe o zad, pe o mam o deus bet rostet ha dêbret. Disfia ra anezo memes, en ur lavarat d’an hini a dle en assommi, rêi dezàn e liberte, hac en dêbro én hac e dud. Respont a rear neuze dezàn : Mâ, ni a tialbenno, rac bremâ souden e vezi dêbret te da-unan. Goude pera e vez lazet, goelc’het, rostet, ha neuze dêbret, ous en em exorti an eil eguile da veza courajus er brezel, evit gallout ober pourvisionou mad a guic tud evit o fest.
Troidigezh / Traduction
Parlez moi maintenant des peuples du Brésil en Amérique ?
Quand ils ont fait un prisonnier, s’il est gros il est mangé tout de suite. S’il est maigre on lui donne une fille comme maitresse pour l’engraisser. Quand le jour est arrivé de le tuer et de le manger, tout le monde est invité à la fête. On se divertit en dansant et en buvant, le prisonnier participe lui-même à la fête. Au lieu d’être triste il raconte de façon gaie ses exploits notamment combien de personnes, de pères ou de mères parmi l’assistance, il a rôti et mangé. Il les défie même en disant à celui qui doit l’assommer de lui rendre sa liberté, pour qu’il le mange à son tour lui et ses parents. On lui répond alors : nous t’empêcherons car nous allons te manger tout de suite. Après cela il est tué, lavé, rôti et mangé, pour exhorter les uns et les autres à être courageux a la guerre, et faire des provisions de viande humaine pour leurs fêtes.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Alexandre Ledan, Conferançou curius, util hac interesant, Montroulez 1820
Erwan Hupel, Conferançou curius, util hac interesant, Une encyclopédie bretonne, éd. TIR, 2019, ISBN 978-2-917681-47-3