Trésor de l’Argoat : Le Léguer, la rivière magique d’Anjela Duval
Anjela Duval, célèbre poétesse du Trégor, a passé sa vie à Traoñ an dour dans la commune du Vieux-Marché. Elle évoque plusieurs fois avec beaucoup de sensibilité, le Léguer, le fleuve côtier qui irrigue le Trégor, la rivière de son enfance.
Pennad orin / Texte original
Al Leger
Leger : koantiri ! Leger : Dudi ! Leger : Pinvidigezh ! Nag a vilin ac’h eus lakaet da dreiñ : milinoù bleud, milinoù lin, milinoù paper. Pet familh a veve gras d’az dour sklaer ha kreñv ?
Leger ! Ruban voulouz du ! Leger Luskellerez huñvreoù ! Leger o silienniñ etre an tosennoù adalek an Argoad betek an Arvor. Ez vihannik am eus da zarempredet. Babig war vrec’h va mamm ez aen da welout Milin ar Pont kozh. Aspled ar Pont Kozh lec’h ma chomen brusket da bep abardaez o tistreiñ diouzh ar skol, da arvestiñ ouzh da Gened ! Da zour boull o tameuc’hiñ ar c’houmoul a rede en oabl hag ar pupli o krenañ en aezhenn. Ar pesked o lammañ, ar yer-dour o splujañ !
Gwech ur pesketaer o poaniañ da dennañ un eog eus an dour pe un dluzh o tifretañ e beg e higenn. Ni krennarderez a ya ivez da besketañ loched war ar skluz ; birviñ a rae al loched er biez ha gant ur sil ni glaske pakañ unan bennak da lakat ’n ur podig gwer.
Abaoe milvedoù ac’h eus hiboudet, richanet, hirvoudet. Krozet, fuloret ivez ur wech an amzer. Bet ac’h eus ivez sec’hed bloavezhioù zo.
Buhez ar stêr zo evel buhez un den, enni mareadoù uhel ha mareadoù izel. Mareadoù a levenez ha mareadoù a Anken. Met atav a chom « ar stêr arouez ar vuhez ». Doujañs d’al leger.
Troidigezh / Traduction
Le Léguer
Léguer : beauté ! Léguer : plaisir ! Léguer : richesse ! Que de moulins as tu fait tourner : moulins à farine, moulins à lin, moulins à papier. Combien de famille vivaient grâce à la force de tes eaux claires ?
Leguer, ruban de velours noir ! Léguer berceau de rêves ! Léguer qui serpente entre les collines de l’Argoat jusqu’à la mer. Tout jeune je t’ai fréquenté. Encore bébé dans les bras de ma mère j’allais voir le Moulin du vieux pont. Après l’école je restais appuyé contre la balustrade en admirant ta beauté. Tes eaux limpides qui réverbèrent les nuages du ciel et les ondulations des trembles. Les poissons qui sautaient, les poules d’eau qui plongeaient.
De temps en temps un pêcheur tirait un saumon de l’eau ou une truite frétillante au bout de l’hameçon hameçon. Nous adolescentes nous allions aussi pêcher des loches à l’écluse. Avec un coup de passoire dans la masse remuante, nous essayions d’en attraper quelques unes pour les mettre dans un pot de verre. Furieuse parfois, à sec d’autres fois, depuis des milliers d’années tu as murmuré, chanté, gémit.
La vie d’une rivière ressemble à la vie d’un homme avec des hauts et des bas, des moments de plaisirs et d’angoisse. Mais la rivière reste toujours le symbole de la vie. Respect au Léguer.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Anjela Duval, Al Leger in Anjela Duval,Oberenn glok, Mignoned Anjela, 2000, p.1042.
Anjela Duval, Hiboud al leger, Skol Niv 51-52, 1973