Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1391 : Du baragouin français au gregach breton

Le terme baragouin apparait en français au XIV ème siècle pour désigner un habitant de la région de Bordeaux, qualifié de barbare, d’étranger. On le trouve chez Rabelais, Montaigne, Molière pour qualifier un langage étranger donc incompréhensible. On prétend depuis le XVIIème siècle que ce mot vient du breton : bara (pain) et  gwin (vin). Les Bretons parait-il demandait du pain et du vin sur la route des pélerinages, ou encore du bara gwenn (pain blanc). Cette explication a été battue en brêche par de nombreux linguistes.
Il pourrait venir par exemple de barat (tromper) et gouin (lourdaud), usité en Bourgogne. Baragouin est également un mot occitan : lou baragouin deis parrouquets (le baragouin des perroquets). Certains le font venir du grec ancien, pour qualifier une peuplade appelée « varanguien ».
Cette origine incertaine nous mène au breton, ou baragouin n’existe pas, il se traduit par gregach, formule péjorative pour le grec ancien. Ce mot apparaît pour la première fois en 1532, lors des cérémonies du couronnement du dernier duc de Bretagne François III. Un poème officiel en breton était affiché sur un podium représentant le premier roi légendaire de Bretagne, Brutus le Troyen : Me ha ma gwreg mont c’hwek a gregach, Da gonkeriñ ar breizh-mañ…(Moi et ma femme de quitter en douceur le pays Grec afin de conquérir cette Bretagne-ci). D’où le mot gregachiñ (parler grec) que les dictionnaires donnent ensuite avec le sens péjoratif de jargonner, baragouiner. On l’utilise pour dire qu’on n’y comprend rien : Gregach eo evidon-me (C’est du grec pour moi !), ou encore pour désigner la langue des paysans : ar gregach-se n’en de pratiket nemet e-mesk peizanted.

Par extension, on dit gregach ar biked pe ar yer (le caquètement des pies ou des poules), mot qui s’est confondu avec gragach et ragach traduit par faire du bruit comme les poules après avoir pondu. 

Pour désigner un jargon, un argot on utilise plutôt le mot luc’hach : « langage des gueux » nous dit Grégoire de Rostrenen. Il désigne aussi des propos grossiers comme s’insurge le mensuel catholique Feiz ha Breiz : D’ar re zo douget d’al luc’haj e kinnigont skridoù lor gouest da lakaat a-wechoù tud Sodome ha Gomorre da ruziañ gant ar vezh (Ceux qui jargonnent écrivent des propos salaces qui feraient rougir de honte les habitants de Sodome et Gomorrhe). Enfin les Gallos traitaient la langue bretonne de ouar-ouar, on est toujours les barbares de quelqu’un !

Pennad orin / Texte original

Troidigezh / Traduction

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Ménage (Gilles), Dictionnaire éthymologique de la langue française, 1694.
Adrian, Baragouin, origine et définition,
https://www.laculturegenerale.com/baragouin-baragouiner-origine-definition-histoire-mot/

Broudig Fañch, La nouvelle fortune du mot baragouin, in Blog Langue-bretonne.org, 2011
http://www.langue-bretonne.org/archives/2011/03/20/20679667.html

Devri : Gregach, http://www.devri.bzh/dictionnaire/g/gregach/
Wikipedia : Gregach, https://br.wikipedia.org/wiki/Gregach

Ernault (Emile), Le nom des Grecs, in Revue Celtique, 1907, P179-194
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6436898b/f192.image.r=gregach

Le Bihan (Hervé), Le poème officiel en moyen-breton de 1532. In: Etudes Celtiques, vol. 42, 2016. pp. 219-247.
https://www.persee.fr/doc/ecelt_0373-1928_2016_num_42_1_2478?q=Gregach