1946 : Milc’hwid ar serr-noz (Le mauvis de proche-nuit) de Maodez Glandour
Plus beau texte breton du XXème siècle, poète de haute volée, uhel ha founnus e Awen (fécond et inspiré), on ne tarit pas d’éloges sur la poésie de Maodez Glandour. Suivons le mauvis, oiseau du crépuscule : Sed an eur espar ma stok an douar ouzh an neñv, Ma santer en anat, Ez eus Aeled o tremen diwelus war ho tro, Hag o c’halon a levenez o tont da bokad d’ho kalon den. O meuleudi c’hlan, barzhoniezh wirion, Ar vouez-se o sevel en oabl (C’est l’heure sans heure où le sol cogne aux os du ciel. On perçoit, sans voir on voit, Qu’il y a des anges déambulant en tapinois autour de soi, et que leurs âmes en bamboche Becquètent de baisers votre coeur d’homme. O limpides hymnes, poésies fortes de vrai ! Ta voix mauvis, ciel par ciel se hisse.)
Armand Robin, son génial traducteur, celui qui le fit découvrir au grand public, écrivit que la Bretagne qu’il voulait universelle était le lieu parfait du génie poétique : Kan o milc’hwid hep span, rak ar varzhoniezh a zo tra doueel, da deurel gant nerzh eus don e galon vev, Un heson de eren an douar hag an neñv. (Chante sans jamais cesser mauvis, car chose du vivre-en-Dieu est le vivre-en-poésie et peut ainsi, grande énergie du fond de son coeur qui vit, Jeter en source une harmonie où sol et ciel sont unis).
Le long poème en quatre parties utilise l’image du mauvis pour lutter contre la nuit, le monde du mal, avec une rythmique impitoyable : Dalc’h, ha dalc’h, ha dalc’h, Na dav ken, na dav ken, Ha lez an noz da dreiñ hag an deiz, ha deizioù war zeizioù ha nozioù war nozioù, Met kendalc’h gant da gan, dizehan didermen (Continue, ne te tais pas, laisse passer la nuit, puis les jours puis les nuits et continue de chanter sans arrêt et sans fin).
Chrétien, recteur de Louannec dans le Trégor, Maodez Glandour conclut son long poème de trente pages par un hymne à la vie Pask ar vro (la Pâque du pays) : O Youc’h, O tan ! Gant Bangor an Aeled E tasson dre ar bed kanennoù peurbadel, Rak setu er beure, yaouankiz ha drantiz, levenez wenn ha sklerijenn (O clameurs ! O Flammes ! Le choeur des Anges fait résonner par le monde des chants éternels, car voici le matin de la jeunesse et de l’allégresse, joies pures et lumières).
Pennad orin / Texte original
O santual an noz pallennet gant voulouz
O neved an noz,
Stered ennañ da c'houleier o lugerniñ !
Noz voull, ken kuñv, er sioulder ...
Disourr, didrouz ...
Nemet du-hont war lez al lenn,
Lamm ur glesker en freskter an dour.
0, an eur-mañ, doueel,
Ma talc'h ar milc'hwid da ganañ,
Endra ma hañval pep tra
Chom difiñv en goursav,
O selaou an drantiz,
Hag o tialanat ur bedenn a frond.
A milc'hwid,
Da veulgan er serr-noz am laka da dridal,
Pa santan ennon evel ur vleunienn dianav o tigeriñ,
Ur vleunienn a vuhez, burzhudus he douster.
O kan !...
En liorzh va ene, stivell wenn va soñjoù
A respont s'az sonenn gant he mouezhioù sklintin,
Hag en dour va spered
E plij d'an holl stered en em velezourañ.
Sed an eur espar ma stok an douar ouzh an neñv,
Ma santer en anat
Ez eus Aeled o tremen diwelus war ho tro,
Hag o c'halon a levenez
O tont da bokat d'ho kalon-den.
O meuleudi c'hlan, barzhoniezh wirion,
Ar vouez-se o sevel en oabl
Evit leuniañ an hollved kleuz,
Ha stekiñ hael betek dorojoù pell an neñv.
Kan, o Milc'hwid, hep span,
Rak ar varzhoniezh a zo tra doueel,
Hag evurus an den en em lak eveldout
A-us d'ar vuhez danvezel,
Da deurel gant nerzh eus don e galon vev
Un heson da eren an douar gant an neñv.
Milc'hwid ar serr-noz, pp 8&9
Emb. Studi hag ober 1946
Troidigezh / Traduction
O sainte nef de la nuit plafonnée de velours,
Haute nef de la nuit,
De stellaires lampes à tes lustres luisent !
Nuit pure, si gente en ta calme nuitée...
Ni bruit chutant ni chuchotis...
Seul là-bas, au fond du lac, le silence des chutes
De grenouilles en la fraicheur de l'onde.
O cette minute, toute divine,
Où s'obstine en ses trilles le mauvis,
-Minute où toute chose prend semblance
De se cesser, gisante d'extase,
De se faire écoutante des liesses,
Exhalaison d'une oraison d'odorances !
O mauvis,
Ton hymne sous l'huis de la nuit fait que je frémis :
Je t'entends, intime, en fleur non ouïe retentir,
En fleur qui est de vie, miraculeuse douce fleur,
Hymne !
Au verger de mon âme le blanc lavoir de mes songes
Bat réponse à tes sons par ses voix christalline ;
En l'eau de mon penser
Il plaît à tous les astres de se mirer.
C'est l'heure sans heure où le sol cogne aux os du ciel.
On perçoit, sans voir on voit
Qu'il y a des anges déambulant en tapinois autour de soi
Et que leur âmes en bamboche
Becquètent de baisers votre coueur d'homme.
O limpides hymnes, poésies fortes de vrai !
Ta voix, mauvis, ciel par ciel se hisse
Pour aller peupler l'entier monde creux,
Pour aborder altière, aux lointaines portes des cieux.
Chante sans jamais cesser, mauvis,
Car chose du vivre-en-Dieu est le vivre en poésie
Et celui-là est bienheureux qui, comme toi, prend lieu
Immatériel dessus la vie matérielle
Et peut ainsi grande énergie, du fond de son coeur qui vit
Jeter en source une harmonie où sol et ciel sont unis.
Le mauvis de proche nuit
Traduction d'Armand Robin
in Poésie non traduite, Gallimard 1953,
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Glandour (Maodez), Milc'hwid ar serr-noz, Studi hag ober, 1946.
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/document.php?id=milc-hwid-ar-serr-noz-4831&l=fr
Burutelladenn gant
Morvannou (Fañch), Armand Robin, ti-embann Armorica, Brest, 2001, pp 98-102
Pevarlagad, Diwar-benn Milc'hwid ar serr-noz, (war lec'hienn internet alenn)
https://alennebrezhoneg.wordpress.com/2018/07/09/milchwid-ar-serr-noz-maodez-glanndour-1946/
Lennadenn gant Yann-Fañch Kemener : https://www.youtube.com/watch?v=5X4bbiXdipg
Traduction partielle par Armand Robin, Poésie non traduite, NRF, 1953.