2019 : Ar chupennoù melen (les gilets jaunes) entrent en littérature
Le texte s’intitule kroashent-tro (le rond point) et ouvre le chapitre “danevelloù” (nouvelles) du magazine littéraire Al Liamm (Le Lien). Kristian Braz nous livre un texte sur le mouvement des gilets jaunes avec une justesse de ton qui fait honneur à la langue bretonne. Son personnage central c’est Jean Martin, retraité qui revient au pays après une vie morne en région parisienne : ken disliv, ken diheverk, ken ordinal, ken dilufr ha va anv, ar vuhez am eus renet betek-henn (La vie que j’ai mené jusqu’ici et à l’image de mon nom : sans couleur, sans relief, morne et on ne peut plus ordinaire).
Sa maison se situe près d’un rond point ou se retrouvent les gilets jaunes. Prudent, il observe : Eus va c’hambr e welen anezho o tifretañ, o voueta an tan, frapadoù kan a gleven, c’hoarzhadennoù, kornadeg ar c’hirri o tremen (De ma chambre je les voyais oeuvrer, alimenter le feu, chanter, rire et les coups de klaxon des automobilistes.
Mais, cet ambiance bon enfant est brusquement interrompu : Tri c’harr CRSed ha furmoù hobregonet o redek…klevet voe strakadeg ar c’hreunadennoù hag an dud d’en em strewiñ dre al lec’h. (Trois cars de CRS, des formes encuirassées des bruits de grandes et la débandade générale). Jean Martin ouvre sa porte à deux manifestants blessés et sa vie va basculer : Fardañ a ris kafe dezho, lakaat bara hag amann war an daol. Gwaskedet mat ma oan, ral e oa bet din kejañ gant “ar beorien”. Kregiñ a raen da gompren an nerzh hag ar fulor a ziwane diouzh o dic’hoanag ( Je fis du café et je mis le pain et le beurre sur la table. J’étais tellement dans ma bulle que j’avais rarement rencontré des “pauvres”. Je commençais à comprendre le pourquoi de l’intensité et de la fureur de leur mouvement).
Solidaire, Jean apporte huitres et vin blanc pour fêter Noël sur le rond point : Daoust ma oa skuizh ha stenn dremmoù an dud, diouto avat e teue ul levenez habask mesket gant ur youl divrall (malgré la fatigue et les visages tirés, il en ressortait une sérénité doublée d’une volonté sans faille).
Et Jean, le retraité normal écoute la parole qui se libère Tremen eus ar baourentez d’ar vizer, setu tonkadur ar bobl, rimadell an amzer vrein a-vremañ, e keit ma vez ar pennoù bras o tic’hastañ ar voull-douar (Passer de la pauvreté à la misère, c’est le destin du peuple, la triste chanson de nos temps nauséabonds, pendant que ceux qui nous gouvernent dévastent notre planète).
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Braz (Kristian), Kroashent-tro, in Al Liamm N°436, pp12-30, gwengolo-here 2019.