1893 : Al langaj chon : l’argot breton de Pont l’Abbé
Dans un ouvrage consacré aux Bigoudens, Gabriel Puig de Ritalongi nous dévoile en 1894 l’existence d’un argot bigouden.« Pour converser plus à leur aise, les tailleurs, les maçons de Pont l’Abbé, ont composé un argot dans le breton du pays ». Ces deux corporations qui travaillaient sur des chantiers extérieurs ont éprouvé le besoin d’avoir un langage secret pour ne pas être compris des autres : Dec’h d’an teoñ m’oe charinket ar ouenn. Kech awalch oen da fluti. Pa oen diveunet d’ar matin m’oe droug ba ma feterienn hag ur soafenn dur. M’eus ket hallet roukini, oe ar rufin ba ma hourlanchenn. ( Hier soir j’avais bu mon compte. J’étais ivre en allant me coucher. Quand je fus réveillé le matin j’avais mal aux cheveux et une grosse soif. Je n’ai pas pu fumer, il y avait le feu dans mon gosier). Le langaj chon, argot de métiers, signifie langage des hommes. La technique consistait à modifier des mots bretons ou français, en les travestissant : ainsi à partir de gwaz/ homme on invente voezenn(la femme), et pour désigner une jeune fille on ajoutait un mot français :ur voezenn jeun. De même la ville est traduite par ar vilajenn gran soit le grand village.
Voici la description d’un repas en langaj chon : Dom da cherchi an tag-daouzek. Traou zo war an dabletenn. Da gomañs fourmaj rouz gant un tamm hellig ha perez da laka war hoar. Goude zo hoa karn bleujer ha gregoj terran war lec’h gregoj trenk. Ur bioud char-gwin-hoc’h pe char gregoj. Evit ‘chui zo ur banne kafe hag ur fistolenn char-pebr.
(Allons chercher le déjeuner. D’abord du paté avec du pain beurre. Ensuite du veau avec des pommes de terre puis des pommes acides. Un litre de vin ou de cidre suivi d’un café et un verre d’eau de vie).
Le langaj Chon a été vulgarisé par l’écrivain Youenn Drezen, ce qui donne une saveur particulière aux dialogues entre habitants de Pont l’Abbé. Dans le roman Skol louarn Veig Trebern (L’école du renard) on trouve cette phrase : peadra z‘ eus gant ar chon en e fouilhez da bochañ fistolennoù d’e frai, kent an teoñ (Le petit gars avait ce qu’il fallait en poche pour payer un verre à son ami, avant la nuit). En breton standard cela nous donnerait peadra ‘z eus gant ar paotrig en e chakod da baeañ banneoù d’e vignon a raok an noz. On peut vraiment dire que c’était un langage semi secret, témoin révolu de la grande époque des brodeurs et des maçons de Pont l’Abbé.
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Brezhoneg
Drezen (Youenn), Langaj-chon ar vilajenn gran, in Al Liamm, N°82,1960, p.310
Wikipedia : https://br.wikipedia.org/wiki/Langaj_chon
Le Télégramme : Benjamin Choner https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20041111&article=8943369&type=ar
Français
Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chon_(argot)
Ménard (Martial), https://www.ouest-france.fr/bretagne/la-petite-ecole-du-breton-1544827
Chronique bilingue, Al langaj Chon, in Estran, Bulletin municipal de Loctudy, N°39, 2juin, 2007, p.28.
www.loctudy.fr/content/download/22584/315726/file/Estran%2039.pdf