Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

1912 : Filomena Cadoret : quatre prix littéraires à 20 ans !

Quand Filomena Cadoret publie son recueil de poèmes Mouez Meneoù Kerne(La voix des montagnes de Cornouaille en 1912, elle a 20 ans et déjà quatre prix littéraires à son palmarès. Née à Bonen près de Rostrenen, couturière, elle compose des chansons pour glorifier son pays natal :

O pegen kaer out, ma Breizh-izel,
Gant da zaonennoù gwaskedet ;
Gant da veneoù sonn hag uhel
Karget a reier morgousket
(Que tu est belle ma Basse-Bretagne, avec tes vallées ombragées avec tes  montagnes imposantes parsemées de rochers endormis).

La tonalité résolument optimiste de la jeune poétesse détonne dans un environnement littéraire plutôt morose tourné vers le passé. Du haut de ses vingt ans elle voit la vie en rose :
Ha din matez vihan, kas lein d’ar vederien,
‘n ur ganañ dibreder a-hed ar wenojenn,
Ha penaos e c’hellfen me klemm ha falgaloniñ
Pa na strink en dro din nemet c’hoarzh ha dudi
( Et c’est à moi petite servante de porter le repas aux moissonneurs en chantant insouciante le long de la sente, comment pourrais-je me plaindre quand n’éclate autour de moi que rires et plaisirs !)

Filomena Cadoret rayonnait dans son environnement culturel de haute Cornouaille comme le rapporte le grand écrivain Anatole Le Braz :  N’am eus klevet ar vouez dudius-se nemet ur wech, mes keit a vevin e klevin anezhi evel en deiz beniget …rak er plac’hig-se Breizh kozh a oa advev, Breizh kozh a oa adyaouank (Je n’ai entendu cette voix merveilleuse qu’une seule fois, et je me souviendrai pour toujours de cet instant béni Car avec cette fille la Bretagne revit et retrouve sa jeunesse).

Une jeunesse brisée par la guerre 14-18, elle est amoureuse de son filleul de guerre : Heizezig dibreder, n’anaven er bed mañ
Nemet ur reolenn : huñvreal ha kanañ…
Met me glev mouezh ar vro o c’hervel he soudard,
Turzhunellig Kerne a sec’has he daeroù
( Petite biche insouciante, je ne connaissais que rêves et chants, mais j’entends le Pays qui appelle son soldat, La petite tourterelle cornouaillaise séche ses larmes.)

Témoin du manteau de tristesse qui recouvre son pays saigné par la guerre, elle s’écrie : Ar c’hoarzh, al laouenidigezh
A zo tec’het gant ar brezel.
N’hon eus fenozh ‘met tristidigezh
E beilhadegoù Breizh-Izel.
( Le rire et la joie se sont envolés avec la guerre. Nous n’avons plus maintenant que tristesse dans nos veillées de Basse-Bretagne)

Filomena se marie en 1917 à une gueule cassée qui décéde quelques mois après de la tuberculose. Elle écrit une magnifique berceuse à leur fille Tereza née orpheline : Da vammig en kañvoù, mar na oar ken kanañ, A garfe rimañ dit ur son an tenerañ, Sonig luskellerez, sonig karantezus, a ganas evidout da dadig evurus ( Ta maman en deuil si elle ne sait plus chanter, aimerait te composer une chanson des plus tendres, une berceuse, une chanson d’amour que chanta pour toi ton papa heureux). Fimonena mourut de la tuberculose à 31 ans, suivie douze jours après de sa fille.

Pennad orin / Texte original

Luskellerez

En ez kavellig gwen, glan evel eun êlig,
Dinec’h ha dibreder, kousk buhan ma merc’hig (diou wech).

Da vammig en kanvou, mar na oar ken kanan,
A garfe riman d’it eur zon an teneran,
 
Sonig luskellerez, sonig karantezus,
A ganas evidout da dadig evurus.
 
E hunvre ar c’haeran e oa gwelet eun de
Da vuzellou tener o c’hoarzin d’ar vuhe.
 
Ne oa ket youl Doue hon lezel a-gevred
Da gutuilh er bed-man bleun an evurusted.
 
D’am c’halon hirvoudus envor e garante
A zeblant eur bann-heol tec’het ’vel eun hunvre.
 
Met ar vuhe ’zo berr : evitan ni ’bedo ;
Hen, gant aotre ar Mestr, eus an Nenv hon miro…
 
Ha te war an douar, emzivadezig kêz,
’Vo konfort da vamm baour ha frealz hec’h enkrez.
 
En ez kavellig gwenn, Terezaïg vihan,
Dinec’h ha dibreder, ma merc’hig, kousk buhan,
 
Met chom pell bihannik, rak da vamm a garfe
Na danvefes biken soubenn trenk ar vuhe.

Kroaz ar Vretoned 1919

Troidigezh / Traduction

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Cadoret (Filomena), Mouez Meneou Kerne, Moul. Ar Gwaziou, Montroulez 1912
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/document.php?id=mouez-meneou-kerne-523&l=fr

Simon (Michel), Filomena Cadoret, une voix oubliée, Centre génalogique et historique du Poher, 2018, 148p
http://www.radiobreizh.bzh/fr/episode.php?epid=21450

Abgrall (Yvon) Femmes de Bretagne, Filomena Cadoret, https://www.argedour.bzh/femmes-de-bretagne-filomena-cadoret/
Favereau (Francis), Anthologie de la littérature bretonne, Skol Vreizh, 2001, pp 95-109.
Raoul (Lukian), Geriadur ar skrivagnerien ha yezhourien, Al Liamm 1992, p.51.