Torr-e-benn (Casses-lui sa tête), le cri de guerre des paysans bretons depuis la révolte des bonnets rouges.
C’est le célèbre Code Paysan de 1675 qui popularisa cette expression guerrière. Ce texte, véritable cahier de doléances lors de la révolte des Bonnets Rouges, ordonnait aux habitants de suivre quatorze recommandations sous peine de Torr-e-benn.
L’expression est reprise dans une gwerz (complainte) sur la bataille de Camaret en 1694 ou un régiment de paysans épaula les troupes régulières contre les Anglais et les Hollandais :
”Ur rejimant all a nevez A zo amañ, ur rejimant vez a petra, Ar re-se eo ar re wellañ…Ar c’homandant eo Pessavat, Den komun ha peizant mat, Mab henañ ar priñs Torrebenn Salakras eo ar gapiten.” ( Un nouveau régiment est arrivé, un régiment de paysans, ceux-ci sont les meilleurs. Le commandant s’appelle Pessavat, un homme ordinaire et bon paysan, le fils aîné du prince Torrebenn, Salakras en est le capitaine).
En 1792, soucieux de montrer l’antiquité de la langue bretonne le celtomane De la Tour d’Auvergne cite cette locution ancienne Quam terribiles sunt Britones quando dicunt Torr-e-ben (Que les Bretons sont terribles quand leur cri de guerre est torr-e-benn). Alain Dumoulin, prêtre exilé à Prague se rappelle cette phrase et l’attribue à César ! Cette assertion est reprise par le Journal général de France en 1817 et par nombre d’écrivains ensuite. Ce n’est qu’au milieu du XIXème siècle que les linguistes dénoncent la supercherie. César a juste écrit que les Gaulois poussaient des cris sauvages il n’a jamais cité Torr-e-benn.
Les paysans bretons étaient armés de penn-bazh (gourdin ou trique) : Mirit, breudeur kaezh, ho penn-bazh, ho plev hir, ho pragoù bras. Ni zo bepred Bretoned, tud kalet ( Gardez chers frères vos penn-bazh, vos cheveux longs, vos culottes larges. Nous sommes toujours bretons, des Bretons durs) s’écriait le poète Brizeux.
Plusieurs chansons populaires rappellent le cri de guerre: Mar teu bec’h d’ar Roue e kavo c’hoazh soudarded Rohan ha tud e vro gwir anveet ”torr-e-benn”. ( Si le roi est en difficuté il trouvera encore les soldats du Duc de Rohan et les gens de son pays les ”Torr-e-benn).
Et le Barde Yann-Bêr Kalloc’h, tué en 1917 : Tenn, Tenn, Tenn, kanon ha fuzulieu, Torr-e-benn
(Tirez, tirez, tirez, canons et fusils et cassez leur la tête).
En 1972 des cinéastes créerent un collectif ”Torr-e-benn” lors de la grève du Joint français, aujourd’hui c’est un collectif libertaire qui reprend ce nom.
Mais toutr bretonnant doit avoir lu la magnifique évocation de la Révolte des Bonnets Rouges de Yann Bijer dans le roman “Torrebenn” aux éditions Al Liamm.
Pennad orin / Texte original
Skrid Latin Alain Dumoulin, diwar-benn "Torr e benn da Cesar" Person An Erge Vras, harluet e Prague e 1800.
Quin imo longe ante Julii Cæfaris se culum in Britannia minori vigebat celtica lingua cum enim Julius Cæfar quamdam ur bem Britanniæ minoris nomine Venetensem gallice Vannes obfidione teneret fæpe se audivisse testatur Celtarum clamorem istum torr e Benn da Cesar quæ verba fignificant frange Cæsaris caput ea de re ipse Cæfar in libro suo de bello gallico fic fcribit quam terribiles funt Britones quando dicunt "torr e Benn da Cesar" Inde Celticam lin guam ex Germania in Angliam ex Anglia Britanniam minorem migraffe ante Julii Cæfaris feculum.
Troidigezh / Traduction
En effet, bien avant Jules César lui-même, la langue celtique était en vigueur en Bretagne, lorsque Jules César tenait une certaine ville en Bretagne, appelée Vannes (la Vénitienne en français), et témoignait qu'il avait entendu le cri des Celtes. Les paroles Torr e Benn da Cesar signifient qu'ils brisent la tête de Cesar. Céfar lui-même écrit à ce sujet dans son livre sur la guerre des Gaules, à quel point les Bretons sont terribles lorsqu'ils disent "Torr e benn da Cesar" . La langue celtique a migré de l'Allemagne vers l'Angleterre, d'Angleterre vers la Bretagne, avant la mort de Jules César.
Alain Dumoulin
Grammatica Latino-celtica, Préfac" page 6.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
E brezhoneg / en breton
Pierre le Roux, Banniel Breiz, in Annales de Bretagne, 1/11/1908
Yann Bijer, Torrebenn, romant, Al Liamm, 2015, Liamm
Wikipedia brezhonek : Torr-e-benn lenn en linenn
En français / e galleg
Théophile-Malo de la Tour d'Auvergne, Origines gauloises...p.33, lire en ligne sur Gallica
Alain Dumoulin, Grammatica Latino celtica, Prage, 1800, Préface P.6, Lire en ligne sur Google books
Journal général de France, 28 avril, 1817, Lire sur Gallica
Octave Noel, La ronde du papier timbré, in Journal officiel de la République française, 20/10/1877, lire en ligne sur Gallica
Emile Ernault, Sur l'histoire du breton, in Mémoires de la société d'histoire et d'archéologie de Bretagne,1928, p.2. Lire en ligne
Georges Toudouze, La victoire de Camaret et la poésie populaire bretonne, in B.S.A.F. 1959.
P.J. Nedelec, Chanson nouvelle sur le sujet de la générosité des Bretons de Crozon au combat de Camaret, qui ont combattu courageusement pour la foi catholique. BSAF 1959.
Yves le Gallo, Le paysan breton et le mythe au XVIIème siècle, Annales de Bretagne 1975, Lire en ligne sur Persée
Jean Balcou, Le celtisme de la tour d'Auvergne, lire en ligne sur Gallica
Jean Coignard, La légende de Torr-é-benn par un prêtre gabéricois, Site Grand terrier, lire en ligne