Spilhennoù pardon : les épingles de pardon, où comment déclarer sa flamme dans la tradition bretonne
Avant que la bague de fiançaille ne fasse son apparition, il était de coutume dans certains pays de Bretagne d’offrir à l’élue de son coeur une épingle de pardon. Cette tradition est relatée par Pierre-Jakez Hélias : Pa vo bet graet e c’houlenn gant ar paotr savet mat e vo aotreet da baeañ d’e vuiañ karet ur mell spilhenn eeun pe zoubl, braveet gant beb seurt gwerachoù da bikañ war he jiletenn. Hag eñ farv an tamm outañ a valeo en he c’hichen en ur zougen disglavier ar jeorenn ar penn da laez. (Quand le jeune homme bien elevé aura fait sa demande, il pourra payer à sa mieux-aimée une grande épingle, simple ou double, enrichie de diverses verroteries qu’elle piquera dans son gilet. Et lui, tout faraud, marchera à côté d’elle en portant le parapluie de la coquette la pointe en l’air.)
Dans l’approche amoureuse, il était de coutume d’offrir des noix pour marquer son intérêt, si la belle réagissait positivement l’épingle était la deuxième étape comme le raconte une rimaille de Scaër :
…Me ober sin dezhi, | …Je lui faisais signe | …I winked to her, |
Ne teue ket anezhi. | Elle ne venait pas. | and she would not come. |
Me ginnig kraoñ dezhi, | Je lui offrais des noix | I offered nuts to her, |
Ne teue ket anezhi. | Elle ne venait pas | and she would not come. |
Me brena ur spilhenn vrav dezhi | Je lui achetais une belle épingle | I bought a brooch for her, |
Neuze e teue. | Elle vint alors. | Then she did come. |
Meus graet mat ‘ta, mamm ? | Ai-je bien fait ma mère ? | Did I do well, mother ? |
– Ya, ma faotr, | – Oui mon garçon, | – Yes, my son, |
Ho tad rae er mod-se ac’hanon-me. | Ton père faisait ainsi avec moi. | So used your father to do with me. |
Ce petit texte trilingue (breton, français-anglais) accompagnait les précieuses épingles commercialisées par les établissement Le Minor de Pont l’Abbé jusqu’aux années cinquante. Certaines étaient de véritables bijoux comprenant des perles (perlez), jusqu’à trois pendeloques (divilhon) terminées par des breloques (stribilhon). Attestée aussi dans le Pays Pagan sous le nom de spilhenn pardon, on les retrouve encore à Ploubazlanec dans le Goëlo, sous le nom de spilhenn lorc’h ( l’épingle de fierté).
Par la voix des soeurs Goadec et de Valentine Colleter, la tradition populaire a gardé vivante le chant Ar Spilhenn jusqu’à nos jours : E pep lec’h ez eus spilhoù, Spilhoù aour ha spilhou arc’hant, Spilhoù war alc’hwezh livet koant, ha spilhoù bras ha spilhoù krenn, Spilhoù du, spilhoù melen ( Partout il y a des épingles, en or, en argent, des épingles de nourrices joliment peintes, des grandes, des moyennes, des noires, des jaunes…). Plusieurs artisans d’art perpétuent encore cette tradition bien bretonne de l’épingle de fiançailles.
![](http://www.tresor-breton.bzh/wp-content/uploads/2025/02/Skeudenn-Spilhenn-400x320.jpg)
Pennad orin / Texte original
Son ar Spilhenn
gant Valentine Colleter
Mar mije ul lopad gwin gwenn
Betek hanter va gwerenn
War beg ur spilhen e rafen
Ur chanson keit hag ur walenn
Evet eo lopinad gwin gwenn
Ar son man 'zo komañset
'Barzh en pep bro, en pep amzer
Ar spilhoù 'zo neseser
Na spilhoù braz, na spilhoù kren
Na spilhoù begoù melen
'Barzh en pep bro, en pep amzer
Ar spilhoù'zo neseser
Pa 'a Janedig d'an dañsoù
Eo ret de'hi kaout spilhoù
Spilhoù a vo 'n he davañger
Ha kemen all 'n he mouchouer
'Barzh 'n 'he c'hornetenn a laka
Spilhoù, spilhaou hep kontah
Nag'a benn ober ur spilhenn
Eo ret kaout tri artizan
Un nombr a dud a zebr bara
Na n'ouzon ket an dra se
Un anehe a daillo an hed
Egil' all roi ur gurunenn
Egile gant ar maen higolenn
A lemmo beg ar spilhenn
Bremañ'zo kalz a chanchamant
En barzh mesk ar re yaouank
Ur chupenn ler, ur bragoù berr
'Barzh 'n ho beg ur sigaretenn
Un oto ru pe unan wenn
Evit monet da bourmen
Lec'hienn Kan.bzh
Troidigezh / Traduction
La chanson de l'épingle
version chantée par Valentine Colleter
Si j'avais un coup de vin blanc
Jusqu'à la moitié de mon verre.
Sur le bout d'une épingle je ferais
Une chanson de la longueur d'une aune
Le petit coup de vin blanc est bu
La chanson est commencée
Dans tous les pays, en tous temps
Les épingles sont indispensables
Des grandes épingles, des moyennes
Des épingles au bout jaune
Dans tous les pays, en tous temps
Les épingles sont indispensables
Quand Jeannette va à la danse
Il faut qu'elle ait des épingles
Elle en aura dans son tablier
Comme dans son châle
Dans sa coiffe elle met
Des épingles, des épingles sans compter
Pour fabriquer une épingle
Il faut trois artisans
Beaucoup de gens qui mangent du pain
Ne savent pas cette chose là
L'un d'entre eux découpera la longueur
L'autre fera la couronne
L'autre avec sa pierre à aiguiser
Aiguisera le bout de l'épingle
Il y a maintenant beaucoup de changement
Chez les jeunes
Un blouson de cuir, un pantalon court
Une cigarette au bec
Une voiture rouge ou une jaune
Pour aller se promener
Site Kan.bzh
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Da lenn / À lire
Bernard Lazbleis, Ar spilhenn, une ébauche de folklorisation, Lire sur Kan.bzh
Karten bost coz Penmarc'h, Épingles de pardon, spilhennoù pardon lire en ligne
Bretagne ancienne, Épingles de pardon, lire en ligne
Y. Jannes, Son de cloches sur le costume pagan, in Les Cahiers de l'Iroise, 1973, Lire en ligne sur Gallica
Pierre-Jakez Hélias, Marh al lorh, Paris, Plon, 1988, p.180
Youenn Drezen, Sizhun ar breur Arturo, Al Liamm, 1970, p.55
Da selaou / À écouter
Radio Kreiz Breizh, Spilhenn, kronikenn e brezhoneg, chronique en français.
Valentine Colleter, Ar spilhenn, Selaou war lec'hienn dastumedia
Soeurs Goadec, Ar spilhenn, Selaou war you tube
Brieg Gerveno, Ar spilhenn Selaou en linenn war You Tube