Ar friko : Quand la tradition de faire bombance à la mode de Bretagne s’accorde à toutes les sauces
Cela faisait longtemps que je n’avais pas participé à un friko, un repas de noce. L’occasion de regarder de près ce mot breton attesté dès le XVIIIème siècle dans un récit comique : E gontell a zic’hodellas, Tuf Tuf ha goude e lemmas, Grik grik grik grik hag e lammas war ar peskig. Me lavar war ar peskedenn. E zistripas prop ha kempenn ma rejomp gantañ ur friko a dalveze c’hwezeg war an dro gant ur saoz hag a oa ker brav graet ma lipjomp holl hor bizied. ( Il tira le couteau de sa poche, tuf tuf, il l’aiguisa, grik grik, il sauta sur le petit poisson, que dis-je le gros poisson, il le découpa propre et net, et on fit un fricot qui en valait seize avec une sauce si bonne qu’on se léchait tous les doigts”.
Friko désigne d’abord un bon repas, un gueuleton pour les grandes occasions : Evit festiñ meurlarjez pa vezo deuet, ni rayo friko (Quand on fêtera le mardi gras, nous ferons un fricot).
Le mot breton est un emprunt au vieux français fricot qu’on peut traduire par bombance. Le friko est utilisé pour des occasions spéciales, en premier lieu les noces : Ni vo friko cheuc’h ganimp ( Nous ferons un repas de noce chic), Me ‘m oa evet ur voujaron Champagne en e friko (J’avais bu un coup de Champagne à sa noce). Friko ti-nevez ( Le repas de la maison neuve) désigne la pendaison de crémaillère. Quant au friko gwadigennoù pa vez lazhet ar porc’hell lart ( Le repas de boudin frais quand le cochon gras est tué), c’était un grand moment de la vie rurale d’antan.
Bien entendu, on jette le discrédit sur les notables qui gueuletonnaient sans arrêt : Anavezout a ran tud hag a vez o frikotañ e pad ar bloaz, pevar devezh war seizh d’an nebeutañ ( Je connais des gens qui font des gueuletons toute l’année, quatre jours sur sept au moins !).
Friko a aussi le sens de ragoût : friko gwrac’h, friko legestr, friko meilh, friko morfout, friko ourmel ( ragoût de vieille, de homard, de mulet, de cormoran, d’ormeaux). Il désigne comme ailleurs – selon le dictionnaire du breton de l’île de Sein – le repas de noce voire la noce tout court : D’ar frikoioù e oa dañs a-round war ar c’hae ( A l’occasion des repas de noce, il y avait des danses en rond sur le quai). Pendant la guerre, il en était autrement et les Sénans ont gardé une très jolie expression friko netra, friko rodig ( fricot de rien, fricot zéro – rodig=petite roue).
De là vient le verbe frikotiñ (banqueter) et les qualificatifs de frikoter et frikoterez (fricoteur ou fricoteuse), des mots désuets au charme certain.
Pennad orin / Texte original
Neuse e tronçzas e vanchou Hac eus e abit ar bordou,
E gontel a zic’hodellas,
Tuf, tuf, ha goude el lemmas
Gric, gric, gric, gric, gric, gric,
Hac e lammas var ar pesquic,
Me lavar var ar pesqueden,
E zistrippa propr ha quempen.
Ma regeomp gantàn ûr frico
A dalie c’huezec var an dro,
Gant ûr saos hac a ïoa quer brao greet
Ma lipgeomp oll hor biziet.
O guella pesq ! ô guella den !
Nan, nan, tra, ne squizin biquen
O publia partout dre’r vro
Oa Morin an Omnis homo.
Sarmoun great war ar maro a Vikeal Morin, pp 37-38.