Le baiser (Pok) symbole affriolant de la nouvelle campagne pour apprendre le breton
L’actualité de la langue bretonne ce sont ces affiches que vous verrez partout pour vous inciter à apprendre ou à parfaire votre breton dans les cours du soir. Pok qui accompagne des lêvres purpurines c’est donc le baiser. L’occasion pour moi de rendre hommage à Martial Menard, disparu il y a 7 ans, pour avoir consacré une chronique à ce mot magique, commun à toutes les langues celtiques.
Il y a trois mots pour dire baiser en breton : pok, bouch et añ.
añ est connu depuis le moyen age sous la forme aff, il est exclusivement employé pour un baiser d’enfant. Les deux ff marque la nasalisation. Cette forme nasalisée est surtout employé dans le Trégor, ailleur on dit a. Ainsi ober añ ou ober a, signifie donner un baiser à un enfant. Il existe un diminutif ober añik.
Ainsi on dira : Ro añig da data (Donne un baiser à papa), Roit un añ d’ho moereb (donnez un baiser à votre tante).
Le mot bouch est employé communément en Cornouaille et en vannetais. C’est un emprunt au français. Il y a bien sur plusieurs variantes : le bouch trouz (baiser qui fait du bruit) est bien connu, pour les autres il y a un glissement progressif du plaisir entre les bouchig tomm (baiser chaud) et les bouch sot ( baiser de folie).
Les Léonards très pudiques ne connaissent du nom bouch que le sens de poulain : Pegement ar bouch ? (C’est combien le poulain ?) demandaient-ils dans les foires et les Cornouaillais de répondre Ur bouch ne vez ket gwerzhet, ur bouch a vez roet ( Un « bouch » ça ne se vend pas, ça se donne !).
Le challenge des amoureux était de laerezh ur pok (voler un baiser) et une fois l’affaire conclue on les voyait bezañ bepred pok-pok ( se donner des baisers fréquents).
Martial Menard dans son incontournable Geriahudur ( Dictionnaire érotique) nous donne toute une panoplie de baisers : Pokoù lik, pokoù gadal désigne des baisers impudiques. On vous laisse deviner ce que sont les pokoù penn-da-benn ( baisers complets), pokoù tomm (baisers chauds), pokoù hed-a-hed (baisers en longueur). L’ambiance boîte de nuit est décrit par ses pokoù orgedus (baisers orgiaques) ou encore ses embrassades discrètes : Ar c’hiz a oa chom pok-ha-pok e pep korn teñval ( la mode était le baiser collé dans les coins sombres).
Le breton populaire est encore riche du Pok Plovan (Baiser baveux de Plovan), du Pok martolod ( Baiser matelot sur les lêvres) et ce mystérieux Pok-Spagn (baiser espagnol) qui mettait les filles enceintes.
Bref choisissez votre pok de rentrée, et sautez le pas de parfaire votre breton !
Pennad orin / Texte original
Troioù-Lavar
Gant pokoù e kasi ar merc'hed
Ha gant ar c'hentroù n'ez i ket
Gab Milin, 1886
Dictionnaire étymologique du breton (Albert Deshayes)
Pok
vieux cornique poc, gallois poc, irlandais et gaélique d'Ecosse pòg
du latin populaire pac(is), du latin classique pax, (paix).
poked, pokiñ : donner un baiser
pokadeg : embrassade
pokadenn : baiser
pokata : baisoter
poker-ez : personne qui embrasse
pokerezh : embrassade
pokedal : bécoter
Troidigezh / Traduction
Par les baisers tu conduiras les femmes
Par la force tu ne le feras pas.
Gab Milin, Revue des traditions populaires, 1886.
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Martial Menard
Pok, in Pennadoù sul, Chronique bretonne, ed. Al Lanv, p.530.
Pok, in Alc'hwezh bras ar baradoz vihan, emb. An Here, 1995, p. 401
Pok, in Devri, Dictionnaire diachronique du breton, Lire en ligne