1933 : Yann Sohier, l’initiateur du mouvement pour l’enseignement du breton à l’école publique
Militant breton de gauche, Yann Sohier, institeur à Plourivo (22), souhaite faire comprendre l’intérêt d’ouvrir l’école publique au breton à ses collègues instituteurs. Il crée en 1933 une petite revue, Ar Falz (la faucille) qui fera date. La référence est claire, il veut oeuvrer dans le milieu rural. Le seul poème connu de sa main explique pourquoi : Seizh maouez kozh a zo marv, seizh maouez a vire ganto, soublet war flammou uhel an oaled, spered, kened, ha yezh hon tadoù (Sept vieilles femmes sont décédées, sept qui gardaient avec elles, penchées sur les flammes hautes du foyer, l’esprit, la beauté et la langue de nos pères).
Conserver ce trésor, le transmettre aux enfants est une évidence pour le jeune instituteur qui veut séduire ses élèves en créant une littérature enfantine. Il traduit de l’américain Longfellow, l’histoire de Hiawaza, un jeune amérindien : Klevit istor Hiawaza, an den fur eus meuriad an Ojibweed. Ar barzh indian Nawadaha, e zeskas en ur gantren dre ar c’hoadoù hag ar geunioù en-dro d’e logell (Écoutez l’histoire de Hiawaza, un homme sage de la tribu des Ojibweed. Le barde indien, Nawadaha l’instruit des choses des bois des marais autour de chez lui). Le message est clair, il faut apprendre d’abord sa culture, son environnement.
La transmission orale doit être complétée par l’écriture : Tremen a ra pep tra ! Mar fell dimp kas keloù d’ar re vev e rankomp fiziout hor c’hefridi dre gomz en unan bennak a c’hell kammdrei hor c’homzoù. Mezeged, strobinellourien, diouganerien a enskrivas war tammoù rusk o louzaouennoù, o c’hanaouennoù hag o zraoù kuzh ( Toute chose passe ! Si nous voulons transmettre aux vivants nous devons transmettre à quelqu’un capable de les transcrire. Les médecins, les bardes, les devins inscrirent donc sur des écorces leurs remèdes, leurs chants et leurs secrets).
De Yann Sohier, disparu prématurement en 1935, on garde un merveilleux livre d’école illustré Me a lenno ( Je lirai). Les textes sont signés Andersen, Grimm, Tolstoï, Perrault, Walter Scott…mélangés à des auteurs bretons, avec chaque fois des exercices : prezeg diwar ar skeudenn, ar gerioù, ar mennozioù, geriadur, yezhadur, hag un dresadenn d’ober (expression orale sur le dessin, les mots, les idées, le vocabulaire, la grammaire et un dessin à faire).
La graine qu’a semée Yann Sohier a germé puisque 10 000 élèves suivent aujourd’hui l’enseignement public bilingue.
Pennad orin / Texte original
E-tal ar groaz
E-tal ar groaz,
Dirak ar C'hrist maen en noaz,
Seizh arched saprenn
'Zo tremenet er wenodenn
Seizh arched saprenn
Bleniet gant an Ankou didruez.
Seizh arched saprenn nevez
O deus kuitaet ar gêriadenn-mañ
Dindan barradoù sklas ar goañv
'Vit bered ar barrez
Seizh maouez kozh, kabac'h ha dizant,
Er goañnv-mañ a zo marv
Ha torret eo bremañ ganto
Er seizh ti-plouz a Gernevez,
Ar walenn aour, gwalenn ar yezh,
Ar walenn aour a unane
Kalonoù nevez
Ar vugale
Ouzh kalonoù ar re gozh.
Torret eo ar walenn aour,
Torret eo ar walenn,
Ar chadenn vurzhudus
A eree an amzer-vremañ
Ouzh pellder
An amzer dremenet
Seizh maouez kozh a zo marv
Seizh maouez a vire ganto,
Soublet war flammoù uhel an oaled,
spered,
Kened,
Ha yezh hon tadoù.
Seizh arched prenn,
Dirak ar C'hrist maen
Ha ganto eo aet da hesk,
Eienenn fresk
Awen
Ar Ouenn
E Kernevez
War c'hlannoù glas al lenn,
A-hed ar bodoù kelvez,
Ne vo klevet mui bremañ
Nemet
Yezh
An estren.
Evel-hen e kane Jakou Kerloaz,
Dirak ar C'hrist maen en noaz,
E-tal ar groaz
Gwalarn N°80 Gouere 1935.
Troidigezh / Traduction
Face à la croix.
Face à la croix,
Devant le Christ de pierre nu
Sept cercueils de sapin
Sont passés dans le sentier,
Sept cercueils de sapin
Conduits par la Mort sans pitié
Sept cercueils de sapin neuf
Ont quitté ce village
Sous les averses glacées de l'hiver
Pour le cimetière de la paroisse
Sept vieilles femmes sans souffle et sans dent
Sont mortes cet hiver,
Et avec elles s'est brisé
Dans sept chaumières de Villeneuve
L'anneau d'or, l'anneau de la langue
L'anneau d'or qui unissait
Les coeurs neufs
Des enfants
Aux coeurs des anciens.
L'anneau d'or est brisé
L'anneau est brisé.
La chaîne merveilleuse
Qui liait notre temps
Au lointain passé.
Sept vieilles femnes sont mortes
Sept vieilles femmes qui gardaient avec elles,
Courbées sur les flammes montant du foyer
L'esprit
La beauté
Et la langue des ancêtres.
Sept cercueils de pin
Devant le Christ de pierre
Et avec eux, s'est asséchée
La source fraîche
L'inspiration
De notre peuple
A Villeneuve
Sur les rives vertes du lac
Le long des buissons de noisetiers
On n'entendra maintenant plus que la langue
De l'étranger
Ainsi chantait Jakou Kerloaz
Devant le Christ en pierre
Face à la croix
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Oberennoù Yann Sohier
Hiawaza, Gwalarn, N°65, Ebrel 1934 ( Dielloù Penn-ar-bed)
E-tal ar groaz, barzhoneg, in "E koun Yann Sohier", Gwalarn, Gouere 1935.
Me a lenno, emb. Skridoù Breizh, 1941 (Bibliothèque numérique bretonne et européenne)
Deizlevr ur skolaerez vreizhat, in Gwalarn, N°158, Here 1943 pp 131-137
Diwar-benn Yann Sohier / au sujet de Yann Sohier
E koun Yann Sohier, Gwalarn, Gouere 1935. (Archives du Finistère)
Abeozen, Istor lennegezh vrezhoneg an amzer vremañ, Al Liamm, 1957, pp165-166
Lukian Raoul, Geriadur ar skrivagnerien ha yezhourien, Al Liamm, 1992
Fransez Favereau, Anthologie de la littérature de la langue bretonne au XXe siècle, Skol Vreizh, 2003
Soaz Maria, Yann Sohier et Ar Falz, éd. Ar falz, 1990.
Kan E tal ar groaz / Chant Face à la Croix
Alan Stivell, E-tal ar groaz, (avec transcription en anglais). Pladenn Trema 'n inis, 1976.
Yann-Fañch Kemener, E-tal ar Groaz, pladenn Roudennoù / Traces war You tube