BRETAGNE CELTIQUE ! Le breton « fille de la langue celtique parlée en Europe depuis trois mille ans »
C’est par ces mots que le grammairien Le Gonideg introduit son celèbre dictionnaire celto-breton en 1821. Le monde celtique que le poète du Bellay appelait la Celta est magnifié depuis le Moyen Âge, et la relation avec la langue bretonne une évidence.
L’écrivain Noël du Fail suivant l’historien Bertrand d’Argentré fait au XVIème siècle la relation entre gaulois et breton « Le vieil language des Gaulois en la partie que César appelle celtique estre celui dont nous usons en nostre Basse Bretagne ».
Breton et celtique se confondent donc depuis le monumental Dictionnaire François-celtique de Grégoire de Rostrenen en (1732). Mais c’est Alain Dumoulin, prêtre exilé dans l’Empire Austro-Hongrois qui utilise le premier le mot kelt dans sa Grammatica latino-celtica : Ha c’hwi a oar al langaj kelt ? En ho pro koulskoude ez eo ganet. Ar prezeg-se a zo ar vammenn eus kement langaj a zo en Alamagn. Aet eo da Vro Saoz, eus a Vro Saoz da Vreizh pehini zo anveet Arvorig ( Vous connaissez la langue celtique ? Pourtant c’est ici dans votre pays qu’elle est née. Cette langue est la mère de toutes les langues d’Allemagne, elle s’est implantée en Angleterre puis en Bretagne qu’on appelle Armorique).
Le mot breton kelt (celte) est introduit par La Villemarqué dans le dictionnaire de Le Gonidec en 1850. Il fait vite florès, on l’utilise dans le journal Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne) : ar yezhoù kelteg, (Les langues celtiques) ar pobloù keltiek (Les peuples celtiques). En 1870 des linguistes créent la « Revue celtique ». C’est là qu’on voit la première utilisation du mot dans la littérature par le grand celtisant Joseph Loth : « Alaz, ar vreizhiz hepken, evel bepred ar C’helted A chom dizunvanet hep brediazh ebet. Tavit, tad, ne chiffe ket : hor vrediazh zo savet lec’h ne vo nemet Bretoned pe marse Gwiheled, Kelted kalonek em-ken a goed pe a galon » ( Hélas, les Bretons seulement comme toujours les Celtes, restent désunis sans union fraternelle. Taisez vous – père, notre union est formée ou il n’y aura que des Bretons et des Gaels, des celtes courageux seulement de sang ou de coeur).
L’écho est immédiat, le grand Druide de Bretagne publie dans l’Ouest Eclair en 1902 un appel à l’unité celtique : Skoziz gant dilhad marelled, Drouized Kembre, Paotred enez Van, Gwazed a gernev veur, Bretoned Bragoù bras ha bretonezed koant, kelted an Amerik Diredet kant ha kant, Bev ar C’helted ha start o bagadoù. ( Les écossais aux habits multicolores, les druides du Pays de Galles, les Gars de l’ïle de Man, les hommes de Cornouailles, les Bretons aux larges braies et les Bretonnes si jolies, les Celtes d’Amériques accourent par centaine, Les celtes sont vivants et leur communauté ferme !).
Le lyrisme celtique n’a plus de frein au début du XXème siècle. C’est le grand poète groisillon Yann-Bêr Kalloc’h qui le formulera ainsi : O arvor ha Galia, Iwerzhon ha Brittia, A-holl viskoazh e oac’h tonket gant ar C’hroueour Da vout broioù santel kaderion kreñv Keltia…Arzhur n’eo ket marv ; Tregont milion Kelted ez omp ouzh e c’hortoz ( Oh Armor et Gaule, Irlande et Brittia, Le Créateur vous a destiné à être la terre sainte des combattants de Keltia… Arthur n’est pas mort ; nous sommes trente millions de Celtes à l’attendre).
Avec une telle fougue le mouvement celtique est lancé et devient rapidement populaire.
Pennad orin / Texte original
Grammatica latino celtica (1800)
Dialogus Tertius : Celtam&Germanum ( Disput etre ur c'helt hag ur german)
K- A-belec'h ez hoc'h ?
G- Eus an Alamagn.
K- Ha c'hwi a oar al langaj kelt ?
G- Ne ouzan ket.
K- Souezet ez on gant kement-se.
G- Biskoazh n'em eus klevet komz eus al langaj-se.
K- En ho pro koulskoude ez eo ganet.
G- An dra-se c'hallfe bezañ
K- Ar prezeg-se a zo ar vammenn eus a gement langaj a zo en Alamagn
G- memes eus ar sklavon ?
K- N'en d'eo ket, mes eus al langaj alaman, eus ar flaman hag hollan hag eus a galz re all.
G- E pelec'h e komzer al langaj-se ?
K- Eus an Alamagn ez eo aet da Vro Saoz, eus a vro Saoz da Vreizh pehini zo anveet Arvorig Hag en holl vroioù-se e komzer c'hoazh ar c'helt
G- Ne ouien netra eus an dra-se, eus an istor-se nag eus ar plasoù e pere emañ en uzach. Mes penaos ar Gelted o deus i kollet o c'harakterioù pe o lizheroù ?
K- C'hwi ivez hoc'h eus kollet ho re, holl lizherennoù teutonik ha ni hon eus ivez o c'hollet rak ar soudarded romaned a zo chomet re bell en hon touezh.
G- Mes penaos eo c'hoarvezet, ma eo bet an Alamaned galvet ar bobl kelt ?
K- Ar Greked o deus roet an anv-se d'ar broioù ar c'huzh-heol hag an anv-se a chomas pell ganto hag o frezeg a voe anvet ar c'helt pe al langaj-se kelt. Ar saozoned a gemeras Bro-Saoz hag a roas o langaj d'ar vro-se hep cheñchamant ebet mes an Alamaned o deus bet c'hoant da berfektioniñ o frezeg hag o deus cheñchet o langaj.
G- Souezet ez on, ma mignon mes piv a c'hellfe deskiñ din al langaj-se ?
K- Deuit d'am c'havet ha me he desko deoc'h
G- Me ho trugareka ma mignon ker, Monet a rin bemdeiz d'ho kavet rak al langaj-se a dle bezañ kurius d'an dud abil.
Grammatica Latino Celtica, Praha, 1800, pp 164-167)
Troidigezh e Latin tal ar frazennoù brezhoneg
Brezhoneg unvan gant Bernez rouz
Troidigezh / Traduction
Grammaire Latin-Celtique publiée à Prague en 1800 par Alain Dumoulin.
Troisième dialogue : dispute entre un Celte et un Germain
C- D'où êtes vous ?
G- D'Allemagne
C- Et vous savez le langage celtique ?
G- Je ne sais pas.
C-Je suis étonné de celà
G-Je n'ai jamais entendu parler de cette langue.
C-C'est pourtant dans votre pays qu'elle est née.
G-C'est très possible.
C- Cette langue est la mère de toutes les langues d'Allemagne
G- Même du slave ?
C-Non, mais de l'allemand, du flamand du hollandais et de beaucoup d'autres.
G- Et où parle t'on cette langue ?
C- De lAllemagne, elle est partie en Angleterre et d'Angleterre vers la Bretagne qu'on appelle Armorique. Et dans tous ces pays on parle encore le celtique.
G- Je ne savais rien de cette histoire ni des endroits ou elle est en usage. Mais comment les Celtes ont il perdu le caractère de leur écriture ?
C- Vous aussi, vous avez perdu les votres, tous les lettres teutoniques, et nous aussi on les a perdues car les soldats romains sont restés trop longtemps parmi nous.
G- Mais comment ça se fait que les Allemands ont des origines celtes ?
C- Les Grecs ont donné ce nom aux pays du soleil couchant et ce nom resta longtemps. Et le langage fut appelé le celtique. Les Saxons prirent l'Angleterre et donnérent leur langue à ce pays sans la changer. Mais les Allemands voulurent perfectionner leur langue et l'ont modifiée.
G- Je suis étonné mon ami, mais qui pourrait m'apprendre cette langue ?
C- Venez me voir et je vous l'apprendrai.
G- Je vous remercie mon ami, j'irai vous voir tous les jours car cette langue doit être curieuse pour les gens intelligents.
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Musée de Bretagne, Rennes 18/03/2022, Celtiques ? l'expo
BCD, Exposition celtiques, 18/03/2022 Podcast Manon Six, Nelly Blanchard et Patrick Galliou
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Levrioù / Livres
Bullet, Mémoires sur la langue celtique, Besançon,1754-1760
Gregoire de Rostrenen, Dictionnaire François-Celtique, 1729
Grégoire de Rostrenen, Grammaire Françoise-celtique ou Françoise-bretonne, 1738
Le Brigant, Éléments succints de la langue des Celtes-gomérites ou Bretons, Strasbourg 1779.
Corret de la Tour d'Auvergne, Origines gauloises ou recherches sur la langue, l'origine et les antiquités des Celto-Bretons, Bayonne, 1792.
Dumoulin (Alain), Grammatica Latino-celtica, Prague, 1800, pp 164-167
Le Gonidec, Grammaire celto-bretonne, 1807
Abbé Lefevre, Grammaire Celto-bretonne, Morlaix, 1818.
Le Gonidec, Dictionnaire celto-breton, 1821.
Le Bos (Eugène), Remarques sur la formation de la langue celto-bretonne, Paris, 1878.
Mordiern (Meven), Notennou diwar-benn ar Gelted koz, o istor hag o sevenadur, (Tr. Abherve) éd. de Bretagne, Paris, 1944.