Vie politique en breton : une tradition ancienne qui renaît au Conseil régional de Bretagne
L’évènement n’est pas passé inaperçu. Les conseillers régionaux de Bretagne peuvent s’exprimer en breton ou en gallo lors des sessions de cette institution politique. C’était déjà le cas sous l’ancien régime où les conseils de paroisse tenaient leurs réunions « en langue vulgaire » et traduisaient les décisions des États de Bretagne qui les concernaient.
La Révolution n’a pas changé les choses. Les archives du Finistère possèdent un appel des députés aux Ètats généraux, qui ressemble à une vraie campagne électorale : Lizher d’ar bobl a Vreizh a-berzh o deputeed d’ar Stadoù General (Lettre au peuple de Bretagne de la part des députés aux États généraux). Ce document prône « an holl a zeu er bed a chom ingal en o gwirioù, ingal e-kenver al lezenn hag e c’hellont holl okupiñ an diniteoù, ar c’hargoù hervez ma vezo kapabl » (Tous ceux qui viennent au monde ont les mêmes droits, ont les mêmes obligations envers la loi et ils peuvent occuper les dignités et les charges selon leurs capacités).
Dans la commune de St Eloy, le curé prête serment à la Constitution civile du clergé en ces termes : « E touan da vezañ fidel d’an Nation ha d’ar Roue, E c’houler ouzhin da sermantiñ da zifenn eus va holl nerzh al lezenn …kalz a artikloù a gavan enno vad » ( Je jure d’être fidèle à la Nation et au Roi, Je fais le serment de défendre de toute ma force la loi qui comporte beaucoup de bons articles.)
L’opposition s’exprime par des chants sur feuilles volantes : « An darn vras eus ar veleien / Ferm en o relijion kristen / E lec’h ober al le kriminel / A zo bet d’an iliz fidel. / Mar int hirio persekutet gant an douerien tiranted / Doue a zo o esperañs…) ( La plupart des prêtres, fermes sur ses convictions chrétiennes, au lieu du serment criminel, est restée fidèle à la religion. S’ils sont aujourd’hui persécutés par les tirants jureurs, Dieu est leur espérance).
Les administrateurs du Finistère s’adressent en breton à leurs compatriotes pour diffuser les idéaux révolutionnaires : Enoromp al labourer-douar pehini a souten ar vamm-bro dre e garantez evit ar mad publik, rentomp gras d’an dud distinget-se hon eus lakaet war hent ar raezon, Meulomp al labour-douar, Meulomp ar Republik ( Honorons le paysan qui soutient la patrie par son amour du bien public, rendons grâce à ces gens distingués que nous avons mis sur le chemin de la raison, Gloire à l’agriculture ! Gloire à la République).
Ce début démocratique de la Révolution fut enterré tout net par l’Abbé Grégoire qui fit voter un décret pour anéantir les « idiomes qui sont absolument dénués de termes relatifs à la politique » mettant ainsi un terme aux justes élans de l’époque. L’initiative du Conseil Régional de Bretagne, répondant aux droits culturels élémentaires, a dû le faire se retourner dans sa tombe.