L’herbe d’or (An Aour Yeotenn), l’herbe magique des Bretons
C’est en 1612 qu’on trouve la première mention de l’herbe d’or dans la littérature bretonne : Neb a zastum noz gouel Yann louzou ha traou all…an aour-yeotenn ha had-raden a bech marvelamant hag a zo trompet bras gant an diaoul ( Quiconque cueille la nuit de la St Jean des herbes et d’autres choses, l’herbe d’or et la semence de fougères fait péché mortel et est grandement trompé par le diable). Cette tradition populaire est relevé par l’écrivain Boucher de Perthes qui en 1831 affirme, “on ne rencontre l’herbe d’or qu’en Basse-Bretagne”.
La Villemarqué, dans son Barzaz Breiz, évoque les vertus de cette herbe dans deux chants : Marzhin, pelec’h it-hu ken beure gant ho ki du ? Mont a ran da glask ar flourenn, Ar beler glas hag an aour-yeotenn. (Merlin, où allez-vous de bon matin avec votre chien noir ? Je vais chercher dans les prés le cresson vert et l’herbe d’or). La relation avec Merlin et donc le monde magique est fait. On la retrouve dans le chant sur les amours d’Héloïse et Abélard où la belle s’essaye à des potions magiques : Kentañ louzoù am-eus graet oa gant lagad kleiz ur vran ha kalon un touseg ha gant had ar raden glas ha gwrizioù an aour-yeotenn war ar prad dastumet ( Le premier philtre que j’ai fait c’était avec l’oeil gauche d’un corbeau, le coeur d’un crapaud, la semence de fougères et les racines d’herbe d’or cueillies dans le pré).
Cette herbe mystérieuse envoûte les folkloristes qui découvrent de nombreuses mentions dans les contes et chants bretons : An aour-yeotenn dastumet ouzh sklerijenn al loar a rento servij dit, (L’herbe d’or cueillie au clair de lune te rendra service) peut-on lire chez l’un, elle rend invisible, elle fait découvrir des trésors affirment d’autres. Jean-Marie Déguignet nous dit que cette « herbe mystérieuse que l’on voit briller la nuit s’évanouit toujours lorsque l’on s’approche d’elle. Celui qui possède cette herbe ne peut jamais être trompé ».
Plus récemment, Pierre-Jakez Hélias a donné le titre L’herbe d’or à l’un de ses romans. Il décrit ainsi la plante merveilleuse : « L’étoile portait un pistil en son centre, elle était éclose dans une couronne de feuilles dorées rondes et grasses ». Croisant toutes les descriptions de cette herbe d’or, François de Beaulieu affirme dans le magazine Armen, qu’il s’agit du drosera, plante qui secrète un suc doré pour attirer les insectes et qu’on trouve abondamment près des portes de l’enfer dans les Monts d’Arrée. Le diable n’est donc pas loin !
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Le Bihan (Herve), Notes de moyen breton, in études celtiques 2018, pp 179-187.
Souchon (Christian), Les mystères du Barzhaz Breizh.
Beaulieu (François de), L'herbe d'oubli et l'herbe d'or, in Armen N°99, decembre 1998.
Helias (Pierre-Jakez), L'herbe d'or, roman, Julliard, 1982.
Helias (Pierre-Jakez), Ar Yeotenn aour, in D'un autre monde, A-berz eur bed all, éd Ouest-France, 1991, p.300