1867 : Une Russe bretonnante recueille des contes et légendes bretonnes.
Ekaterina Balobanova est la première femme russe à avoir appris le breton. Fille d’une famille ruinée elle atterrit dans le Trégor chez une de ses tantes mariée à un breton. C’est là qu’elle se passionne pour ce peuple de mendiants et de naufrageurs, riches en récits fantastiques : A wechoù e teue da bred ar sul ur vaouez kozh az ae da di da di. Lavaret a rae he doa bevet da vare an Impalaer meur Napoleon kozh. Ne gred ket ar Vretoned eo marv Napoleon kozh, eman o veajiñ war vor en e vag gwenn hag e tilestro un deiz en ur porzh bennak ( Parfois une vieille mendiante venait au repas du dimanche. Elle disait qu’elle avait vécue du temps du grand empereur le Vieux Napoleon. Les Bretons ne croyaient pas qu’il était mort, il navigait sur un vaisseau blanc et il débarquerait un jour dans un port.
Chez les pêcheurs du Trégor elle trouve une mine inepuisable de légendes plus vieilles que le monde : Debriñ a raemp ouzh taol a-gevret ganto, mont a raemp da besketa ganto ; a-wechoù e chomemp e-pas sizhunvezhioù o skrivañ ar pezh a veze kontet ganto diwar-benn an amzer dremenet. En holl istorioù mantrus a veze kontet ganto e veze atav kaoz eus darvoudoù kozh, kant vloaz so ha marteze muioc’h c’hoazh. ( Nous mangions à table avec eux, nous allions pêcher avec eux, quelquefois nous passions des semaines entières à écrire ce qu’ils nous racontaient du temps passé. Toutes ces histoires tragiques parlaient de faits anciens, il y a cent ans voire plus).
Dans son tro Breizh, elle s’arrête aux tour d’Elven dans le Morbihan : Tud ar c’horn bro a gred dezho emañ tasmant un itron wenn o kantreal e-kreiz an dismantroù-se, ken na gavomp den ebet evit hor c’has di d’an abardaez noz. (Les gens du pays croient qu’une dame blanche se promène dans les ruines. Du coup on ne trouve personne pour nous y conduire le soir).
Carnac est un passage obligé pour notre collecteuse de légendes : Ur vered keltiek eo evel just. Ment ar vein avat a zo ken bras ken e teu da spered an den ne oant ket tud ordinal, ramzed ne lavaran ket. ( C’est un cimetière celte évidemment. Les pierres sont si grandes qu’on pense que c’était des géants).
Traduits du russe par Anna Mouradova, ce regard slave sur nos ancêtres est un bonheur qu’on peut déguster en breton ou en français aux éditions An Alarc’h (Le cygne).
Pennad orin / Texte original
Dañsoù e Nivilieg (56)
Gant plijadur ez ejomp d'an eured... Goude ar friko e oa dañsoù. Daoust d'ar goañv e tañse an dud e-barzh ur c'hrañj bras-tre.Lavaret a reas an Itron Verjerak din n'anaveze pobl all ebet war an douar a blije dezhi dañsal kement hag ar Vretoned. Iskis eo o dañsoù - un doare gavotenn mod kozh eo, gant a-bep seurt troioù hag ul lusk prim-kenañ.
Graet e vez ur c'helc'h da gentañ - ur paotr hag ur plac'h, ur paotr hag ur plac'h hag all. Bale a reont goustadik da gentañ ha goude ez eont buanoc'h-buanañ. Echuiñ a ra an dañs gant ul lamm graet gant ar paotr dirak ar plac'h, an holl o huchal "Hourra !". Met ar pezh a zo iskis eo - zoken ma z'eo dedennet an holl gant an dañsoù - e vez sirius kenañ dremmoù an dañserien ha melkonius.
E-pad ma oa ar re yaouank o tañsal e oa azezet ar re gozh ouzh un daol hir, oc'h evañ sistr ha bier hag o kaozeal en un doare dereat.
Ur Rusianez e Breizh pp 89-90
Troidigezh / Traduction
Danses à Nivillac (56)
C'est avec plaisir que nous allâmes à la noce... Après le repas il y avait des danses. Malgré l'hiver, les gens dansaient dans une grande grange. Madame Bergerac me dit qu'elle ne connait aucun peuple sur terre qui aimait autant danser que les Bretons. Des danses étranges - comme des gavottes de l'ancien temps, avec plusieurs figures et un rythme très enlevé.
On faisait un cercle d'abord - un garçon et une fille, un garçon et une fille, et ainsi de suite. Ils marchaient doucement d'abord puis de plus en plus vite. La danse se terminait par un saut fait par le garçon devant la fille, et tous criaient " Hourra !". Mais ce qui était étonnant,- même si tous étaient attirés par la danse - c'est l'air sérieux et mélancolique de la tête des danseurs.
Pendant que les jeunes dansaient, les vieux étaient assis à une longue table, et buvaient du cidre et de la bière, tout en discutant sérieusement.
Ur Rusianez e Breizh pp 89-90 (tr. B. Rouz)
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Balobanova (Ekaterina), Ur rusianez e Breizh, An Alarc'h emb., 2021.
Balobanova (Ekaterina), Légendes des anciens châteaux de Bretagne, An Alarc'h emb., 2021.
ITW Anna Mouradova sur Alternantes à écouter en podcast