La tradition de Noël dans le pays Bigouden vue par Pierre-Jakez Hélias
La tradition du père Noël est toute récente en Bretagne. Ce n’est qu’en 1903 qu’on trouve pour la première fois mention du Tad kozh Nedeleg (Le Grand-père de Noël). Depuis le sapin a pris place dans tous les foyers au grand dam de Pêr-Jakez Helias : Ne savfe e penn den ebet mont da zisplantañ ur saprenn en ur c’hoad bennak d’he lakaat da dronañ e-kreiz an ti (Il ne viendrait à l’idée de personne d’aller déplanter un sapin dans un bois pour le faire trôner au-milieu de la maison).
La tradition pour l’écrivain bigouden c’était la bûche de noël : Kef Nedeleg en-deus e blas rik er siminal. Ur c’hef eo hag a vag an tan, a domm an ti hag a ziwall ouzh an arnev. Ar Mabig Jezus a c’hell dont en e sae wenn ha war e dreid noazh. Ne vo ket yen dezhañ (La bûche de Noël a sa place réservée dans la cheminée. C’est elle qui maintien le feu, qui chauffe la maison et qui la protège de l’orage. L’enfant Jésus peut venir pieds nus dans sa robe blanche, il n’aura pas froid.)
C’est donc autour de la cheminée que se passe le rituel avec une obligation pour le petit Per-Jakez d’y mettre ses sabots : Karet a rafe din gweled ar mabig Jezus a zle kaout ma oad neketa, hag a oar c’hoari kanetenn. Hag e rankan c’hoazh purañ ma botoù a daolioù-krañch a-raok o lakaat en oaled (J’aimerai bien voir l’enfant Jésus qui doit avoir mon âge et qui sait jouer aux billes. Mais je dois d’abord lustrer mes sabots à coup de jets de salives avant de les mettre près du foyer).
Au milieu de la nuit c’est le grand-père qui officie : Un trouz kurun a zihun ac’hanon. Gwelet a ran ma zad kozh, war Lost e roched, noazh e dreid en e votoù, krenn a-sav war al leur-zi, o skeiñ d’an argad gwellañ ma c’hell : « Paket on bet berr emezañ. A-boan m’am-eus gwelet pastell e vrozh, N’en deus graet nemet diskenn ha pignat en-dro » (Un coup de tonnerre me réveille. Je vois mon grand-père en queue de chemise, les pieds nus, au milieu de la pièce, qui sonne la charge du mieux qu’il peut. « J’ai été pris de court -dit-il, c’est à peine si j’ai vu le pan de sa robe, il n’a fait que descendre et remonter ».
Mais l’essentiel n’est pas là, a-t-il laissé quelque chose ? Em botez dehou ez eus un aval orañjez, em hini gleiz ur mabig Jezus sukr. Displeget vez din n’hellan debriñ nag an eil nag egile a-raok dezho bezañ bet diskouezet e-pad devezhioù ha devezhioù war al listreier. (Dans mon sabot droit il y a une orange et dans le gauche un jésus en sucre. Mais on m’explique que je peux manger ni l’un ni l’autre avant des jours et des jours d’exposition sur le vaisselier).
La déception est grande, mais le grand père a tout prévu : E penn ar votez kleiz ez eus ur c’hornad boñboñigoù ruz, e penn ar votez zehou ur vazhig chokola gros. Ar re-se a dalvez da zidoaniañ ar paour-kaezh tammig Kristen a zo c’hwitet war e gejadenn gant ar salver ( Au fond du sabot gauche, il y a un cornet de bonbon rouges et au fond du sabot droit une barre de chocolat. Ils sont voués à la consolation du pauvre chrétien qui a manqué son rendez-vous avec le Sauveur).
Une époque ou la consommation n’avait pas tout envahi mais ou la magie de Noël était préservée.
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Pierre-Jakez Hélias, Le Cheval d'Orgueil, éd Plon, 1975, pp 164-167.
Pêr-Jakez Helias, Marh al lorh, emb. Plon, 1986. pp161-164