K, C’H, Ñ, ZH, ces étranges lettres bretonnes qui étonnent nos visiteurs
Pour celui qui découvre la langue bretonne par les panneaux routiers, les noms de familles, les affiches de fêtes, la fréquence de certaines lettres peu usuelles en français mérite explications.
Ainsi Quimper s’écrit Kemper, Callac / Kallag, Carnac / Karnag. Le Breton privilégie K depuis le début du XIXème siècle au lieu des onze façons différentes d’écrire ce son en français. Aujourd’hui donc, chien s’écrit ki au lieu de qui et crabe s’écrit krank au lieu de crancq. Une simplification salutaire.
Á la fin du XIXème siècle, Emile Ernault, propose que les voyelles nasalisées soit suivies par un N tildé : Ñ. Trois siècles auparavant la nasalisation était marquée par FF. Ainsi Ploegoff est aujourd’hui Plougoñ et Hanffvec est écrit Hañveg. Ce ñ admis sur les panneaux routiers a fait récemment l’objet d’une furieuse bataille juridique pour reconnaître la graphie du prénom Fañch (François). Le ñ étant considéré comme un particularisme breton, ce qu’a infirmé la Cour d’appel de Rennes en considérant à juste raison qu’il n’était pas inconnu de la langue française et pouvait donc être utilisé à l’état-civil.
Le C’H est lui typiquement breton et ne se retrouve dans aucune langue du globe. Il a été inventé en 1646 par le père Maunoir. Ce jésuite voulait dans ses kantikoù (cantiques), différencier le son CH français : Chadenn (chaîne), Echu (terminé), Chaloni (chanoine), Chaoson (chausson) qu’on trouve dans les emprunts au français, au son guttural C’H qu’on trouve dans Yec’hed mat (Bonne santé), Bac’h (croc), Krec’h (colline), C’hoar (soeur), C’hoari (Jouer), C’hwec’h (Six).
Comme toute réforme orthographique, celle-ci mit quelques années à se vulgariser. Ainsi le nom Floch devient Floc’h ; Kerloch, Kerloc’h ; Manach, Manac’h. Dans les noms de communes, Plouezoch a obtenu du Conseil d’état en 2002 de s’appeler officiellement Plouezoc’h, Penmarc’h a fait la même démarche, Gouenac’h, Krac’h, Brec’h, Tourc’h, Guilligomarc’h, Quimerc’h sont aussi concernés.
Quant au ZH, on le trouve déjà en 1264, pour la paroisse de Plo Azha (Plouha). A l’époque les moines écrivaient Plo Aza ou Plo Aha, montrant ainsi une évolution phonétique récente. Ce ZH de synthèse fut trouvé pertinent par les écrivains bretonnants qui après de multiples réunions de 1936 à 1941 finirent par l’adopter. Ainsi les deux prononciations Breiz et Breih sont fondues en Breizh (Bretagne), Roazon et Roahon devient Roazhon (Rennes).
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Deshayes (Albert), Histoire de la langue bretonne, évolution de la graphie, Ploudalmézeau 2013, éd. Label LN, 510p.
Denez (Per), Hag adarre an doare-skrivañ, stagadenn da Hor Yezh, N°99, 1975.