Le Trésor du breton écrit Teñzor ar brezhoneg skrivet
Ce blog s'inscrit en complément de la Chronique Brezhoneg : trésor du breton écrit publiée dans Ouest-France dimanche. Vous y trouverez les textes intégrals et leurs traductions ainsi que des éléments de bibliographie et des liens internet pour en savoir plus. Amzer ar brezhoneg skrivet a ya eus ar bloaz 800 betek vremañ. Kavout a reoc'h amañ ar pennadoù en o hed hag o zroidigezh ha war an dro un tamm levrlennadurezh hag al liammoù internet da vont pelloc'h ganti ma peus c'hoant.

Les animaux se parlent en breton la nuit de Noël

C’est une tradition bien ancrée un peu partout en Europe. Lors de la nuit de Noël, les animaux restent éveillés et se parlent entre eux.  N’eus nemet mab an den hag an touseg a gousk noz Nedeleg (Il n’y a que l’homme et le crapaud qui dorment la nuit de Noël) dit un proverbe trégorrois. Et pour que les animaux ne disent pas de mal de leur maître, on leur sert double ration : “Noz an Nedeleg ‘vez roet o adkoan d’al loened, blamour dehe  ‘gomzent pe veze arru an hanternoz ». (La nuit de Noël, on donne un repas supplémentaire aux animaux, parce qu’ils parlent à partir de minuit).

Daniel Giraudon nous a donné un florilège de ses collectages sur la question dans “Le trésor du breton rimé” : Etre hanternoz ha div eur, oa ket droad da vont e-barzh ar c’hraou peogwir al loened a gonte etreze. An hini ac’h ae a gleve e blanedenn. (Entre minuit et deux heures, on n’avait pas le droit d’aller dans les crèches quand les animaux parlaient entre eux. Celui qui allait entendait son avenir).

Une destinée peu rose pour celui qui avait enfreint la loi, voici le dialogue qu’on pouvait entendre : “D’ober petra ez it ‘benn-arc’hoazh ma far ? Da gas ma mestr d’an douar. Ha ‘benn oa beure oa marv ar mestr, a oa bet staget an daou gole da gas ‘nezhañ d’an douar” (Qu’est-ce que vous allez faire demain mon compagnon ? Conduire mon maître en terre. Et pour le matin, le maître était mort et l’on avait attelé les deux boeufs pour le conduire en terre”.

Le dialogue entre les hommes et les animaux paraît parfois difficile. Par exemple les chevaux bretons obéissent aux ordres : ho ! (halte), hei ! (en avant), hael (à droite), saou (à gauche). Mais il y a des particularismes locaux : quant on dit diha !  le cheval part à droite dans le Léon, et à gauche en Haute- Cornouaille ! 

Et quand les animaux s’expriment ! les hommes ne reproduisent pas les sons à l’identique : le kokokog breton est rendu selon les langues par : cocorico, gaggalago, chicchirrichi, kukurruku, tuktukakog. Sachez donc que chez nous le pemoc’h (cochon) fait oc’h oc’h ; an houad (le canard) fait kañ kañ ; ar marc’h (le cheval) fait grii ; an dañvad (le mouton) fait bêeg ; ar c’hi le chien wouf wouf ; ar bis-mareñv (le chaton) miaou.

De Socrate à Walt Disney, de tout temps, on évoque cet âge d’or où les animaux parlaient. Il est réjouissant de voir que cette tradition est bien présente en Bretagne.

 

Pennad orin / Texte original

Noz an Nedeleg 'vez roet o adkoan d'al loened. Gwechall 'veze roet pad ar bloaz d'ar c'hezeg, na veze ket roet d'al loened all ha noz Nedeleg veze roet, abalamour dezhe 'gomzent pa veze arru an hanternoz...hag un en doa laret : "Ha ma gaozeent, me renko hom da selaou".

Ha d'ar c'houlz-se veze labouret gant koleoù hag eñ en doa daou gole hag unan anezhe en deus laret :
- "D'ober petra ez it benn arc'hoazh, ma far ?
- Da gas ma mestr d'an douar. Ha c'hwi ma far ?
- Me 'ay ganeoc'h da gas ma mestr d'an douar !"

 

Ha 'benn oa beure oa marv ar mestr, a ao bet staget an daou gole da gas anezhañ d'an douar. Se zo kaoz n'eus ket droad dont da selaou.

Kontet gant Marcel Le Guilloux e Lanruon 29 a viz Mae 2000
in Daniel Giraudon, Le trésor du breton rimé, Al loened o komz, P.196

Troidigezh / Traduction

La nuit de Noël on donnait un deuxième souper aux animaux la nuit. On le faisait toujours pour les chevaux pendant l'année, mais pas aux autres et la nuit de Noel on donnait à tous car ils parlaient quand arrivait minuit. Après minuit ils parlaient et quelqu'un avait dit : "S'ils parlent, je dois rester les écouter".

A cette époque on travaillait avec des boeufs, et lui avait deux boeufs et l'un deux a dit :
- "Qu'est ce que vous allez faire demain mon compagnon ?
- Conduire mon maïtre en terre. Et vous mon compagnon ?
- J'irai avec vous conduire mon maitre en terre !"

Et pour le matin le maitre était mort et l'on avait attelé les deux boeufs pour le conduire en terre. C'est pourquoi on n'a pas le droit de venir écouter.

Marcel le Guilloux, Lanrivain, 29 mai 2000
in Daniel Giraudon, Le tésor du breton rimé, éd. Emgleo Breiz, P.197

Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin

Jourde (Michel), Du temps où les bêtes parlaient, in Le Genre humain 2006/1-2 (N° 45-46), pages 183 à 195
https://www.cairn.info/revue-le-genre-humain-2006-1-page-183.htm

Giraudon (Daniel), Le trésor du breton rimé, Al Loened o komz, Emgleo-Breiz, Brest, 2011.