1914 : le mot “boche” rentre dans le vocabulaire français et breton
Dans l’Ouest-Eclair du 2 septembre 1914 on peut lire : “Les Alboches ne se battent pas bien”. Ce mot pejoratif de l’argot parisien sera abrégé dans les tranchées en Boche et désigne l’ennemi allemand pendant la Grande Guerre. Dans les journaux bilingues, les journalistes bretonnants utilisent au début du conflit : an Allmanted, (Les Allemands), ar Jerman (le germain) ou ar Prusianed (Les Prussiens). Les poètes qui rivalisent en chants patriotiques font de même : Bretoned kreñv ‘vel an dir, C’hwi doullgofo gant ar bir Ar Jerman lous, gwir sparfell, Ar Prusian laer ha gouez (Bretons forts comme l’acier, vous éventrerez à la baionnette, le sale Germain, le Prussien sauvage et voleur).
Les premiers échos des tranchées parviennent aux journaux en novembre. Loeiz Herrieu de Lanester vante l’artillerie française dans l’Union Agricole de Quimperlé: Hor c’hanol 75 a ra traoù burzhudus, ar Jermaned a denn kant tenn evit ober drouk d’un den hebken, hag un tenn eus ar 75 a lazh alies mat kant den. (Notre canon de 75 fait des miracles, les Germains tirent cent obus pour toucher une personne seulement, et un tir d’un 75 fait souvent cent victimes). Dans Kroaz ar Vretoned, Jean Boulzec de La Martyre (Ar Merzher) raconte le début de la guerre de tranchée : Ar Brusianed o deus graet toulloù hed-ha-hed e-barzh ar vro. Goloet int gant plouz pe plankennoù karget a zouar. Diaes mat eo argas anezho. Ar Fransizien o deus graet ar memes tra. (Les Prussiens ont creusées des tranchées, couvertes de paille ou de planches couvertes de terre. C’est très difficile de les attaquer. Les Français ont fait pareil).
Le premier à utiliser le mot “Boche” en breton est un certain Job. Dans le Courrier du Finistère du 21 novembre 1914, il signe un article “ur bale betek an trancheoù” (Marcher dans les tranchées) ou il rend compte de la dure condition des poilus : A-bell, un trouz bras heñvel ouzh cholori ar gurun a laka ac’hanomp d’en em bladañ war ar pri : un tenn kanol eo. – Paour keizh Boched eme zaïk, koll a reont o amzer hag o arc’hant. (De loin on entend un grand bruit comme un roulement de tonnerre, c’est un coup de canon. Nous nous aplatissons dans la boue. – Pauvres Boches, dit Zaïk, ils perdent leur temps et leur argent). Le grand poète Yann-Bêr Kalloc’h utilise également le mot dans sa correspondance : Ali a reer deomp ec’h a hor c’hanolioù da sevenaat un tammig ar Boched (On nous avise que nos canons vont éduquer un peu les Boches), mais il n’utilise jamais ce mot argotique dans ses poêmes de haute tenue.
Théodore Botrel, le chansonnier populaire est moins sourcilleux. Il compose nombres de chansons va-t’en-guerre en français. Pour encourager les bretonnants il compose un Kan bale nevez d’hon kenvroiz a zo en tan ( Nouveau chant de marche pour nos compatriotes qui sont au feu) ou il évoque gwad ar Boched miliget (le sang des Boches maudits). Les diatribes patriotiques continuent après guerre puique le maire de Dirinon, Arthur de Dieuleveult publie un brulôt “Torfejoù ar Boched er Belgik” (les crimes des Boches en Belgique). Cette stigmatisation disparait assez vite après guerre, aujourd’hui, à l’heure de l’Europe, il est tombé en désuétude sauf évocation historique.
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Botrel (Théodore), Les chansons de route, Paris, Payot, 1915, P 159-161
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9692890j/f11.image.r=Les%20Chansons%20de%20route
Job, Eur bale beteg an trancheou, in Le Courrier du Finistère, 21 a viz Du 1914
http://mnesys-viewer.archives-finistere.fr/accounts/mnesys_cg29/datas/medias/collections/bibliotheque/presse/4MI020/FRAD029_4MI_020_1914_11_07_001_1914_11_28_002.pdf
Arzur Breiz, Torfejou ar Boched er Belgiq, 1914, Montroulez, Ti Lajat, 1919, 86p