1910 : “Ici on mange des choses bizarres”, le voyage à Londres de Louis Le Clerc.
Quand Loeiz ar C’hlerg, professeur au collège de Guingamp part pour assister à un congrès eucharistique à Londres, il est comme beaucoup d’entre nous plein de préjugés sur nos voisins anglais : Bro ar Saozon na lavare ger d’am c’halon : yen her c’haven ha ‘vel divlaz ha ken yen all an dud a zo o chom ennañ (L’Angleterre ne me disait rien, je la trouvais froide et sans charactère et les gens tout aussi distants).
Bien entendu il nous rapporte le couplet sur la nourriture : Amañ e vez debret traoù iskis, traoù fall daonet. Lakaat a reont delioù saoz-munut e-barz ar patatez. Ober a reont chaous gant gwinegr ha bent da lakaat war ar c’hig. An hini n’eo ket mat e galon na vefe ket pell o tisteurel diabarzh e gov, bouzelloù ha tout ! (Ici on mange des choses bizarres, très mauvaise. Ils mettent des feuilles aromatiques dans les pommes de terres, ils font des sauces avec du vinaigre et de la menthe qu’ils mettent sur la viande. Celui qui n’a pas le coeur bien accroché n’est pas long à rendre ses tripes).
Dejà en 1910 les Anglais sont fous de Football : Gwall baotred int pa vez meneg da c’hoari fout-bôl, met pa gomzerr eus labourat pe studiañ n’eus den ( Quand il s’agit de football ils sont présents, mais quand on leur parle de travail ou d’études il n’y a plus personne).
Louis Le clerc en bon ecclésiastique regarde avec méfiance les manifestations des suffragettes, choses toute nouvelle pour lui : Ar merc’hed ivez a zo gwall verc’hed. Emaint oc’h esae kaout gwir da votañ ha bezañ mestr war ar baotred. N’ em vezviñ a reont gwasoc’h evit ar baotred ha hopal a reont ivez er ruioù dirak ur bern tud. Feiz dont a rafent a-benn eus o zaol. (Les femmes ont du caractère. Elles essaient d’avoir le droit de vote et avoir le dessus sur les hommes. Elles se saoûlent autant que les hommes et crient dans la rue devant tout le monde. Ma foi elles arriveront à leur but.)
Mais l’Abbé Le Clerc est très agréablement surpris de la propreté de Londres : N’int ket evit lezel tammoù paper da begañ ouzh ar pavez : paeañ a reont tud evit o zapout gant pikejoù koad, dezhe begoù houarn moan ha lemm. ( Ils ne laissent aucun papier trainer. Des gens les ramassent avec des bâtons armés d’un pic).
Notre Breton s’attarde bien entendu devant la relève de la garde royale : E Bro Saoz e talc’her start d’ar gizioù kozh, pa n’int ket ur sparl d’an araokaat.Mar karjemp ni ivez e Breizh ober kement-all, muioc’h a dud diavaez a deuje d’he gwelet ha da ziskargañ arc’hant e godelloù hor c’henvroiz ( En Angleterre on reste fidèle aux traditions. Si on faisait de même en Bretagne, plus de touristes viendraient nous visiter et remplir les poches de nos compatriotes.
Ce qui ravit notre Breton c’est le système démocratique anglais : Pa degouez da baotred ar C’homunioù votañ ul lezenn bennak hag a seblant un nebeudig diboell, al Lorded a zispenn o labour. En Frañz siwazh pa ya kambr ar Gannaded en ur grenegell, ar sened ne c’hwito ket da vont war e lerc’h (Quand les députés des Communes votent une loi déraisonnable, les Lords la détruisent. En France hélas, quand les députés tombent dans l’ornière, le sénat les suit).
On aurait aimé ses commentaires sur la trépidante vie parlementaire des Britanniques aujourd’hui mais cela est un autre débat.
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Le Clerc (Louis), Ma beaj Londrez, Moulerez Sant-Gwillerm, Sant Brieg, 1910, 211p