1710 : Le premier livre en breton vannetais par Per Barisy, recteur de Lignol.
L’impressionante anthologie de la littérature vannetaise, Torkad, récemment publié aux éditions Al Lanv, nous révèle l’identité du premier écrivain connu de l’évêché de Vannes. Il s’agit de Pierre Barisy, recteur de Lignol. On ne connait son ouvrage que par le manuscrit annoté conservé à la Médiathèque de Quimper. A l’image de son titre Cantiqueu spirituel ar devérieu ar christen en quenver an autrou Doué, en quenver e hunon hac en quenver e nessan, ( Cantique spirituel sur les devoirs du chrétien envers Dieu, envers lui-même et envers son prochain), on ne s’attend à aucune surprise sinon à une redécouverte de ce que fut la religion catholique du 17ème siècle.
Per Barisy nous rappelle les vertus des cantiques bretons Diwall a raer dre kantikoù, Doc’h fallsoñjoù, doc’h gwallgomzoù … Deskiñ a raont d’an ezhommeg Bezout kontant ha kalonek da suportiñ e baourentez, D’ar pinvig e teskont ivez d’implijiñ ervat e zanvez dre aluzon Grâce aux cantiques on éloigne les mauvaises pensées et les mauvaises paroles… On apprend aux pauvres à être content et courageux pour supporter leur sort et aux riches de faire un bon emploi de leurs biens en faisant l’aumone.
Le recteur a aussi pour mission de remettre ses paroissiens sur le bon chemin. Daniel Doujet et Anaig Lucas nous donne l’exemple du savoureux cantique consacré aux ivrognes : Pochard infam, mar e soñjez Mezviñ bemdeiz e-giz ma rez … D’an ifern e redez ivez dre koll e-giz ma rez gras Doue…Mard aez bemdeiz d’an tavarnoù, Ma ne guitaez ket da zibaochoù, dañjer bras na vi puniset evel kalz eus da gensorted, Mouget, Lazhet, beuzet pe en ur foz ar goug torret, O fin terripl, fin miserabl eus ar pochard abominabl (Pochard infâme, si tu penses te saoûler tous les jours, tu cours vers l’enfer car tu perds la grâce de Dieu. Si tu n’arrête pas tes débauches, tu seras punis comme beaucoup de tes semblables, asphyxié, tué, noyé ou trouvé dans un fossé le cou cassé. O fin terrible, fin misérable du pochard abominable !)
Autre cible de l’intraitable recteur vannetais les fêtes : Ar festoù-deiz zo Dañjerus, Festoù noz zo dañjerusoc’h, An nep zo war an deiz mezhus A zo en noz kalz ardisoc’h (Les fêtes de jour sont dangereuses mais les fêtes de nuit encore plus, car de jour les gens sont honteux alors que la nuit ils sont beaucoup plus hardis).
Et le prédicateur n’hésite pas à pointer du doigt ses ouailles Diar ar preg-mañ ma ne spontez, ma ne grenez, ma ne chañjez, ma ne garez en evesaat, aet out er-maez eus da skiant-vat (Et si sur ces paroles, tu n’es pas épouvanté, tu ne trembles pas, tu ne changes pas, tu ne te surveilles pas c’est que tu es devenu fou !). Et dire qu’on a connu cet état d’esprit il n’y a pas très longtemps
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Doujet (Daniel) - Lucas (Anaig), Torkad, Dibab skridoù tennet a lennegezh Bro-Gwened, Emb. Al Lanv, 2019, pp 22-27.
Barisy (Pier), Cantiqueu spirituel Ar Deverieu ar Christen en quenver an Autrou Doué, en é quenver é Hunon, Hac en quenver é Nessan, dornskrid Levraoueg Kêr Gemper.
Raoul (Lukian), Geriadur ar skrivagnerien ha yezhourien, Al Liamm, 1992, p.25
Loth (Joseph), Chrestomathie bretonne, in Annales de Bretagne 1887-1888, p.414-420.
Le Goff (Pierre), Petite histoire littéraire du dialecte vannetais, Vannes, 1924, p.218