2019 : Le drame des réfugiés dans la poésie bretonne
Quelle bonne idée ! Pour la première fois un florilège des poètes des langues de France est mis en lumière dans une anthologie bilingue. Dix plumes bretonnes rentrent en résonnance avec leurs homologues alsaciennes, basques, catalanes, corses et occitanes. « Toute langue non conforme à la langue dominante est une terre de liberté » écrit le préfacier J.P. Siméon. Et cette liberté, nos voix bretonnes l’expriment à pleins poumons.
Loin de se cantonner aux charmes des chemins creux, elles dénoncent les scandales de notre monde comme celui des réfugiés : E kêr Alep, dic’hastet pep tra, Anas ar farouel diwezhañ, lazhet trumm war e leurenn p’edo kalonek o hadañ spi.( Á Alep ravagée, Anas le dernier clown de la ville, mort sur scène au milieu des enfants quand courageusement il réinventait l’espoir) s’indigne Youenn Kervalan. Louis Grall de son côté ne voit en la Méditerranée qu’un linceul bleu : Ha ne welfen ket emañ an enezeier o leñvañ, pa varv ar re a dosta deus outo ? Penaos e c’hellfen en em gaout e peoc’h ar pajennoù, pa vez pesketerien o skuilhañ fleur war ur bez mor(Ne verrais-je pas que les îles pleurent, car ceux qui les approchent meurent ? Comment pourrai je croire à la paix des plages, quand des pêcheurs fleurissent la tombe de la mer. Youenn Gwernig a lui connu l’exil à New-York, il témoigne de la précarité des migrants : Marteze vo ret dilestrañ en donvor, ha mont war neuñv daveti, Marteze vo ret mat neuial davet an enez en noz hag an enez a vo deomp, marteze. (Peut-être faudra-t-il débarquer au large et atteindre l’île à la nage, peut être faudra-t-il bien nager dans la nuit…et l’île sera nôtre, peut être). C’est cet espoir hypothétique qui inspire Per Pondaven : Kae, kae pell da vaesoc’h hag e weli gouelioù roget an amzer o c’houlen digor. Sell avat, sell ta pizh ouzh ar gouel aour An hini nemetañ en deus war c’horre e galon ur sonerezh divent kuitez da vervel. (Va plus au large et tu verras les voiles lacérées du temps quémandant un accueil. Mais regarde donc la voile d’or, la seule à porter à fleur de cœur une musique sans limite pour ne pas mourir).
Voici des poètes de l’ouverture au monde, engagés dans leur temps, se nourrissant de l’imaginaire des lointains. A découvrir absolument aux éditions Le Bord de l’eaude Bordeaux.
Liste des poètes bretons choisis par Mannaig Thomas et Maguy Kerisit
Naig Rozmor
Loeiz Grall / Louis Grall
Youenn Gwernig
Laurence Lavrand
Fañch Peru
Per Pondaven / Pierre Pondaven
Marthe Vassallo
Yann-Ber Piriou
Youenn Kervalan
Daniel Morvan
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Par tous les chemins, Florilège poétiques des langues de France, sous la direction de Marie-Jeanne Verny et Norbert Paganelli, éd. Le bord de l'eau, Bordeaux, 2019.
http://www.editionsbdl.com/fr/books/par-tous-les-chemins.-florilge-potique-des-langues-de-france-alsacien-basque-breton-catalan-corse-occitan/703/
Feltin-Pallas (Michel) in L'express : https://www.lexpress.fr/culture/florilege-poetique-des-langues-de-france_2084060.html
Jammes (Philippe) in Corse Net Infos : https://www.corsenetinfos.corsica/Un-interessant-Florilege-poetique-des-langues-de-France_a42210.html