1837 : Le Bas-Breton Jacques Daniel ferraille contre l’Académie française
La Bretagne a aussi son Jacques Daniel célèbre ! Cet érudit de Plomelin, près de Quimper, professeur de droit à Rennes, publie en 1837 ses « Leçons de français à l’usage de l’Académie française par un Bas-Breton de Kergoap, Finistère ».
Kergoap signifie « le village de la moquerie » et il ne s’en prive pas. Il estime que le Dictionnaire de l’Académie n’est pas un dictionnaire français mais un dictionnaire parisien qui néglige les parlers régionaux : par exemple, douet usité dans tout l’Ouest pour un petit réservoir d’eau est absent du dictionnaire tandis qu’on y trouve abdalas qui signifie prêtre en persan un mot utilisé par cent personnes en France tandis que son équivalent breton beleg ou person est compris d’un million de français de l’époque ! (ses compatriotes bas-bretons). Il s’étonne aussi que l’Académie fasse l’impasse sur deux mots très usités dans les ouvrages d’archéologie : dolmen (table de pierre) et menhir (pierre levée).
En 1842, Jacques Daniel publie ses récréations grammaticales ou il utilise fort à propos sa connaissance du breton. Ainsi le mot boucvient du celtique boc’h, le mot bruyèredu breton brug,ce qui est exact.
D’autres rapprochements sont plus hasardeux : il rapproche bravo de brav (beau) ou encore le verbe craindre du breton krenañ (trembler). Sur les noms de lieux Kastellin (Châteaulin) il voit kastell (château) et lenn (lac), alors qu’il s’agit de Kastell – nin (le château sur la colline). Les Quimpérois seront flattés qu’il explique le nom de leur ville par Ker –Imper (la ville impériale) alors que Kemper signifie confluent. Enfin il vise juste pour Pempoull ( Paimpol) qui vient de penn–poull(le bout de la mare).
Jacques Daniel, touché comme beaucoup d’autres par l’effervescence celtique du XIXème siècle sait prendre ses distances avec les théories fumeuses : il fustige les celtomanes qui prétendaient que le nom Paris vient du breton par-Is, (l’égale de la ville d’Ys). Il se moque également de celui qui affirme que l’on parlait breton au paradis puisque que ev (Eve)signifie boire ! et un tamm(Adam) désigne le morceau de pomme défendu.
Jakez-Fañch Daniel aimait la polémique, il aurait adoré ferrailler à nouveau aujourd’hui dans le débat sur la reconnaissance du ñ, mais ses critiques envers l’Académie ont fait qu’il n’est jamais devenu éternel !
Pennad orin / Texte original
Troidigezh / Traduction
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
Oeuvres imprimées de Jacques-François Daniel :
1826 Souvenirs historiques où leçons d'histoire
1828 Récréations grammaticales, Rennes, Chez Mlle Jauzions, imprimeur libraire, 248p.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64348126?rk=21459;2
1837 Leçons de français à l'usage de l'Académie française par un Bas-Breton de Kergoap, Finisterre.Paris, Delaunay, 444p.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50516r?rk=257512;0
1840 Méthode mnémonique simplifiée avec un grand nombre d'applications à l'histoire, à la géographie, à diverses statistiques, etc.
1842 Récréations grammaticales, deuxième édition, 471 p.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k505173?rk=278971;2
1874 Anecdoctes littéraires et scientifiques, nouvelles éthymologies, éd Prudhomme.
1874 Historique de la ville de Landerneau et du Léonais, Brest, imp. Gadeau, 24p.
1876 Etymologie des noms propres bretons gaulois ou celtiques
Articles divers :
Kerviler (René), Répertoire général de Bio-bibliographie bretonne, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58159582/f293.item.r=Daniel,%20jacques%20fran%C3%A7ois.zoom