1499 Le trésor linguistique du chevalier Von Harff
Le premier témoignage du breton parlé à Nantes recueilli grâce à un chevalier allemand
En 1499, la ville de Nantes, capitale du duché de Bretagne, reçoit la visite du chevalier Arnold Von Harff. Ce pèlerin a quitté Cologne en 1496 pour un pèlerinage qui le mène à Rome, au Mont Sinaï, à Jérusalem, à Constantinople, à St Jacques de Compostelle et au Mont Saint-Michel.
A Nantes, les traces du conflit franco-breton sont encore toute fraîches : « C’est là que le roi Charles de France a fait campagne, qu’il l’a forcée et bombardée pendant sept semaines; qu’il n’a pas bien réussi, mais qu’il l’a eue ensuite par la ruse et la guerre. »
Il relève 46 mots et expressions bretonnes ; c’est le premier témoignage de la langue orale au Moyen-Âge : honoreck pour ur wreg (une femme), on noetz pour an ozhec’h ( Le maître de maison). On est donc loin parfois de la langue littéraire standardisée ; c’est le breton tel qu’il était parlé dans certains quartiers de Nantes au temps d’Anne de Bretagne. Pisket (poissons), Haelen (sel), dribit (mangez), ifit (buvez) sont des variantes du breton standard. Le voyageur écrit ce qu’il entend avec l’orthographe allemande de l’époque ainsi il écrit ja pour ya (oui), gwech pour c’hwec’h (six), duwe pour daou (deux) ou encore gorwet pour gourvezet (allongez vous).
Les études linguistiques modernes ont permis de montrer que celui qui a renseigné le voyageur allemand parlait le breton de Guérande disparu au siècle dernier.
Parmi les expressions qu’ils nous a laissées figurent dematio aujourd’hui demat-deoc’h (bonjour à vous) et nosmat aujourd’hui nozvat (bonsoir) : expressions de politesses empruntées au français.
Voyageant à cheval il s’est inquiété de savoir comment on demandait de l’avoine Madan me ker (Amañ din-me kerc’h), du foin (fenun). Il sait aussi demander sa route Madin hent la Renis ? (Men ‘mañ an hent da Roazhon ?) littéralement : où est la route pour Rennes ?
Von Harff fréquente les auberges, il connaît le vocabulaire des lieux : gwin, bara, dour, kig, gwinaegr, fouloudeg. (vin, pain, eau, viande, vinaigre, fromage). Il sait demander un service : gwalget mar roched (lavez ma chemise) et payer le juste prix : Me vel tin paia ( je veux payer). Arnold Von Harff a fait le même exercice pour le slovène, le turc, le basque, l’hébreu, l’albanais, le hongrois, l’arabe. Un véritable trésor pour les linguistes.
Pennad orin / Texte original
bara |
gwin |
doir |
kick |
follideck |
ony |
gwinagere |
oinge |
pisket |
haelen |
mat |
drock |
me |
ja |
narinck |
noetz |
honoreck |
doie |
deabole |
am mestres |
Troidigezh / Traduction
pain |
vin |
eau |
viande |
fromage |
un œuf |
vinaigre |
une poule |
du poisson |
du sel |
bon |
mauvais |
moi, je |
oui |
non |
un homme |
une femme |
dieu |
diable |
l'hôte |
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
BREZHONEG :
Even (Arzel) Istor ar Yezhoù keltiek, L.1, p.153-154, emb Hor Yezh, 1972.
FRANCAIS :
Ernault (Emile), Le breton d'Arnold Von Harff, in Revue celtique N°32, 1911, pp279-289
https://archive.org/details/revueceltique32pari
Guyonvarc'h (Charles), Aux origines du breton : Le glossaire du chevalier Arnold Von Harff, voyageur allemand du XVème siècle, Ogam Celticum 26, Rennes, 1984.
DEUTCH
Von Harff (Arnold), Die Pilgerfahrt des Ritters Arnold von Harff von Cöln ... wie er sie in den Jahren 1496 bis 1499 vollendet, beschrieben und durch Zeichnungen erläutert hat.." Köln, 1860. lire en ligne
Thurneysen (R.), Eine liste bretonischer wörter aus dem XV. Jahrhundert, in Revue Celtique N°32, 1911, pp1-4. https://archive.org/details/revueceltique32pari
ENGLISH
Von Harff (Arnold), https://ia801608.us.archive.org/12/items/in.ernet.dli.2015.59276/2015.59276.The-Pilgrimage-Of-Arnold-Von-Harff-Knight.pdf