Dornskrid Leiden // Le manuscrit de Leiden : le plus vieux texte breton écrit vers 800
800 : Le plus vieux texte breton connu est très tendance : ce sont des remèdes par les plantes !
«Item ad gwaedgou caes scau, caes spern, caes guaern, caes dar, caes colaenn, caes aball … Contre la lèpre cherche du sureau, de l’aubépine, de l’aune, du chêne, du houx, de la pomme … ». Ce texte médical écrit vers l’an 800 est le plus vieux texte breton connu. Conservé au Pays-Bas à l’université de Leiden, il se présente sous la forme d’un feuillet de quatre pages en écriture celtique insulaire, ce qui montre sa haute antiquité. C’est un traité médicinal d’origine latine réécrit partiellement en langue brittonique qui regroupe à l’époque le breton et le cornique : soient 70 mots de plantes ou de maladies. Il a une importance considérable car on conserve très peu de textes de cette époque, en langue populaire. Le breton rentre donc avec l’irlandais et le gallois dans le petit cercle des premières langues écrites d’Europe, bien avant le français. Les bretonnants reconnaissent sans peine la plupart des mots utilisés dans ce texte médical :
scau : skav (sureau)
spern : spern (aubépine)
guern : gwern (aulne)
dar : derv (chêne)
colenn : kelenn (houx)
aball : aval (pomme).
D’autres mots ne sont plus usités aujourd’hui :
abran-guænn mor : (camomille) a été remplacé par kramamailh.
Amor : (amarante) se dit aujourd’hui lostlouarn.
Ocroos (rosier des chiens) aujourd’hui roz-ki.
Ce texte n’est pas spécifiquement breton, ni celtique dans son contenu. Il s’agit de recettes latines anciennes qui étaient recopiées dans les monastères. Pour éviter des erreurs dans des traductions très précises comme les noms de plantes médicinales, les copistes rajoutaient la traduction en langue vulgaire. Ainsi contre les poux on préconise : lanith, cortix coelenn, rusc dar, rusc caerdin… (la graine d’ortie, l’écorce de houx, de chêne, d’alisier…).
En breton contemporain on écrirait : linad, kelenn, rusk derv, rusk kerzhin.
Le seul problème c’est que les doses ne sont pas indiquées, à manier donc avec précaution !
Pennad orin / Texte original
7. lac cap butirium et cram occifaeth per aruinam ariaetis sanat.
8. Item ad raemedium peducli radix tanate absintium ianith cortix colaenn rusc dar rusc caerdin dol guoaed folia sabuci carturaed alan trinion penn caeninn inatt.
9. Item ad guortha saer. Daeru radix alin laur caerdin hisaelbarr ocroos hobaebl baeruent uaelaerian radix amor radix aeu coquitur per butirum et mael marrubium rafanum domae Caelidonia millaefolium uornaert daemaer guodrot mael arcet sal.
10. Item ad quaemlibet doloraem . tutlob stlanaes platan etiar aelilub.
11. Item ad elaeuandum os. boet boror radix uitonicae grana tili herba similis uottrum craescaens in ripa non diminuitur in temporae hiaemali per caeruisam sanat.
12. Item ad uintlum . tutlub gulaed etiar elilub cum stlanaes haentletan platan hoiarnlub gulaed et ad quaemlibet doloraem sanat.
13. Item ad guaedgou. Nenneth radix briblu abranguaenn mor per ceruisam sanat. Caes scau. Caes spern. Caes guern. Caes dar. Caes cornucaerui. Caes colaenn. Caes aball . per caeruisam anroae aeniap aehol . paer mael.
Troidigezh / Traduction
7 : le beurre et l’ail sauvage en pâte (brit. cram occifaeth) avec de la graisse de bélier soigne.
8 : contre les poux la racine de tanaisie, l’absinthe, la graine de lin/l’ortie (brit. lanith), l’écorce de houx(brit.colaenn), l’écorce de chêne (brit. rusc dar), l’écorce de sorbier (brit. rusc caerdin), les feuilles de sureau, les feuilles de brousailles(brit. dol guoaed), la renouée des oiseaux (brit. carturaed), le tussilage(brit. alan), l’oseille(brit. trinion), la tête des poireaux en graines(brit. penncaeninn inatt).
9 : pour traiter une plaie/une douleur(brit. ad guortha saer) le chêne(brit.daeru), la racine d’aulne, le laurier(brit. laur), le sorbier(brit.caerdin), le sureau(brit. hobaebl), le gui(brit. hisaelbarr), le rosier des chiens(brit. ocroos), la valériane(brit. uaelaerian), la pervenche(brit.baeruenc), la racine d’amarante (brit. amor), la racine d’if(brit. aeu) cuite dans du beurre et du miel(brit. mael), la marrabe, la chélidoine, l’achillée, la sombre brunelle(brit. uornaert daemaer), la betterave sauvage(brit. guodrot), le miel(brit. mael), les scories d’argent(irl. arcet sal).
10 : comme anti-douleur : la brunelle commune(brit. tutlob), le plantain lancéolé (brit. stlanaes), le platane (brit. platan), le lierre (brit. etiar), l’aristoloche (brit. aelilub).
11 : pour la croissance d’un os : la betterave(brit. boet), le cresson(brit. boror), la racine d’épiaire, les grains de choux(brit. till), une herbe similaire à l’artémise qui pousse sur les talus et ne tombe pas en hiver, mélangée à la bière.
12 : contre les douleurs de l’accouchements/de l’abdomen/des ligaments : la brunelle commune(brit. tutlub), le mouron des oiseaux(brit. gulaed), le lierre(brit. etiar), l’aristoloche(brit. elilub) avec le plantainlancéolé(brit. stlanaes), le grandplantain(brit. haentletan), le platane, les lamiacées (brit. hoiarnlub).
13a : contre les parasites du visage (brit. guaedgou : la lèpre ?) : l’ortie (irl. nenneth?), la racine de primevère(brit. briblu), la camomille(brit. abranguaenn mor), mêlée à la bière.
13b : prend sureau/digitale pourpre (brit. caes scau), prend aulne(brit. caes spern), prend épine(brit. caes guaern), prend houx(brit. caes colaenn), prend chêne(brit. caes dar), prend pommier (brit. caesaball) avec la bière, prend vinaigrier. Enduit le visage (brit. anroae aeniap aehol), traduit aussi comme inflammation) avec du miel (brit. mael).
Gouzout Muioc’h / Pour aller plus loin
BREZHONEG
https://br.wikipedia.org/wiki/Dornskrid_Leiden
http://brezhoneg.gwalarn.org/istor/leyde.html
FRANCAIS
Lambert (Pierre-Yves), Le fragment médical latin et vieux breton du manuscrit de Leyde, Vossianus lat. f°96A, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Quimper, 1986, pp 315-328.
Franckaert. (B) Santé et pratiques médicales des Bretons insulaires et continentaux du Haut Moyen Age (V-Xe siècles). Thèse de DES de médecine générale. 2014.
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01006406/document
Fleuriot (Léon), Dictionnaire du vieux breton, Toronto, 1985 p.4.
Kerlouégan, (François) Le De Excidio Britanniae de Gildas. Les destinées de la culture latine dans l'île de Bretagne au VIe siècle. Publications de la Sorbonne. (1987) pp. 171–172.
Bihan (Herve) http://bcd.bzh/becedia/fr/le-manuscrit-de-leyde
- "Récemment, un travail pluridisciplinaire a montré que le manuscrit de Leyde (Leiden, University Library, Cod. Voss. lat. F 96 A) n’est sans doute pas d’origine bretonne, mais d’origine cornique. De plus, il ne daterait pas de la fin du VIIIe siècle, comme on le pensait jusque-là, mais plutôt de la première moitié du xe siècle (Falileyev & alii, 2005, contribution de H. McKee, 88sq). Les arguments portent sur des faits tant culturels que linguistiques. Linguistiquement les interprétations sont pourtant plus proches du breton, ce qui montre assez que le cornique et le breton, et aussi le gallois, font partie d’une seule et même langue brittonique, et ce, jusqu’à une date assez avancée."
- Gentili (Marc), Vieux breton, le curieux manuscrit de Leyde, in Unidivers.fr
ENGLISH
Falileyev (A), Owen (ME), Mac Kee (H.), The Leiden Leechbook. A study of the earliest neo-brittonic medical compilation. Innsbruck, Institut fur Sprachen und Literaturen der Universitat Abteilung Sprachwissenschaft, 2005.
(Traduction en anglais du manuscrit de Leiden, dans Franckaert opcit, p.372
STOKES Whitley, A Celtic Leechbook, en Zeitschrift für celtische Philologie, 1897, p. 14-25
http://archive.org/stream/zeitschriftfrce00unkngoog#page/n25/mode/2up
http://www.wikiwand.com/en/List_of_languages_by_first_written_accounts
STUART (Heather), A ninth century account of died and dies Aegyptiaci, 1979, in Persée pp. 237-244